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Rapport Giampino : les crèches ne doivent pas ressembler aux maternelles

Paru dans Petite enfance, Orientation le mercredi 11 mai 2016.

"On observe une tendance à la surcognitivation dans les EAJE (équipements d'accueil du jeune enfant, ndlr)", les parents et les professionnels demandent à disposer de "techniques pédagogiques" au point que "certaines crèches ressemblent aux écoles maternelles, et que les activités 'assis à table' se développent", regrette la mission dirigée par Sylviane Giampino, dont le rapport a été remis à la ministre lundi 9 mai (voir ToutEduc ici).

La commission a consulté 120 personnalités, certaines éminentes, comme les professeurs Golse ou Moro, mais aussi des auxiliaires de puériculture et des acteurs des associations culturelles : "la concertation a souligné les bienfaits pour le développement et l’épanouissement des jeunes enfants d’avoir des temps d’éveil, de socialisation et de rencontre avec des situations ludiques, créatives, artistiques" mais "l’accent a été mis sur les attitudes non directives pour laisser (à l'enfant) l’initiative". Il faut certes "encourager, créer de bonnes conditions mais laisser l’enfant autant que possible découvrir, explorer, faire par lui-même". 

Moins de vocabulaire, plus de musique...

En ce qui concerne le langage, la commission constate que "ce qui manque c’est, parfois, une adresse plus individualisée à un enfant en particulier, la disponibilité d’entrer dans une conversation ou un jeu de langage sans être dérangé", mais elle met en garde : "pour que l’enfant apprivoise le langage, cela passe moins par l’acquisition du vocabulaire que par la musique, les chants, le jeu et le fait de parler AVEC lui et de l’écouter". Elle accorde "une place importante à l’éveil artistique, à l’esthétique, à la nature, car chez le jeune enfant la prise de connaissance du monde passe par une sensibilité reliant le corporel, le cognitif, l’affectif, l’émotionnel et le social (...) Les interventions artistiques (...) sont une composante essentielle de l’accueil" car "les sphères du développement du petit enfant, physique, cognitif, affectif, social, émotionnel sont inséparables."

La mission pose aussi "comme principe une ascèse du non jugement des familles par les acteurs de l’accueil".  Sinon, le jeune enfant "ressent les incohérences et en pâtit". Le rapport demande d'ailleurs un effort "pour lever les obstacles" à la mixité sociale dans les EAJE qui doivent accueillir "la diversité des cultures, des langues et religions". La mission "a conclu à la nécessité de passer d’une conception interculturelle de l’accueil des enfants ou des familles venues d’ailleurs, à une conception transculturelle", de travailler sur les stéréotypes de genre, de renforcer la mixité professionnelle.

Les professionnels confrontés à leur propres difficultés

C'est pourquoi, si "la convergence entre le projet éducatif parental et le projet d’accueil professionnel" est "souhaitable", elle "ne doit pas obturer la nécessaire distinction entre les deux", et le mode d'accueil "n’est pas réductible à un service aux parents". La question est particulièrement délicate pour les assistant-e-s maternel-le-s dont "le cadre de travail est leur maison et leur famille". La mission préconise pour eux "des mesures pour faciliter le recours à un tiers régulateur".

Quoi qu'il en soit, "s’occuper de jeunes enfants est fatigant et stressant, car ils sont passionnants mais bruyants, désobéissants, dépendants et impatients. Les professionnel-le-s doivent travailler avec leur sensibilité et leur corps, mais ça peut les fragiliser." Ils doivent donc avoir l'occasion d' "analyser collectivement les pratiques, dans des temps de réflexivité organisés de façon régulière" qui permettent de prévenir des dysfonctionnements, "mais aussi les épuisements et les souffrances professionnelles".

Des intervenants, "des psychologues, médecins, psychomotriciens, ergothérapeutes, haptothérapeutes..."  peuvent aussi soutenir la "plasticité cérébrale" des modes d’accueil. La mission préconise d'ailleurs de réduire "les effets d’entrave ou de frein à l’initiative" et elle pense aux "normes et obligations en matière de locaux, d’hygiène et de sécurité qui standardisent et homogénéisent". Elle "recommande de passer du sécuritaire à la culture du risque mesuré".

Une identité professionnelle commune mais latente

Elle recommande aussi "l’élaboration d’un texte cadre national qui fonde une culture commune des modes d’accueil et une identité professionnelle de l’accueil de la petite enfance, rassemblant la diversité des métiers et des acteurs". Le développement de l’enfant avant 3 ans ne peut en effet "s’envisager sous le seul registre de la santé ni même de l’éducatif, tout au plus peut-on parler de prime éducation." Or "les métiers dépendent de tutelles différentes, de l’éducation, du social, de la santé" et il "n’existe pas une branche professionnelle commune à l’ensemble du secteur de la petite enfance". Une "identité commune est pourtant latente, qui ne demande qu’à être rendue plus effective".

Un "socle commun de connaissances et de pratiques" favoriserait aussi les mobilités professionnelles. "La refonte en cours des métiers de la petite enfance présente certainement une opportunité à saisir", tout comme "les travaux en cours sur la redéfinition du CAP petite enfance" tandis qu'il conviendrait d' "accroître le professionnalisme des assistant-e-s maternel-le-s" en s'appuyant sur les RAM (les relais d’assistant-e-s maternel-le-s). La mission est d'ailleurs inquiète. "Demain, du fait de l’âge moyen élevé du personnel et des départs en retraite, l’écart par rapport aux besoins sera encore plus élevé" alors qu'on constate déjà "sur le terrain une perte de transmission des connaissances relatives aux fondamentaux du développement du jeune enfant". La mission fait un certain nombre de recommandations en termes de recrutement et de formation, initiale et continue.

Les trois premières années

A noter que le rapport n'évoque qu'incidemment l'école maternelle. "La petite enfance doit être pensée en continuité de la naissance à six ans. Cependant, il est évident que les trois premières années du développement ont des caractéristiques spécifiques" et qu'elles "posent les fondations de la personne sans pour autant en déterminer linéairement le devenir". Il n’y a certes pas "de trajectoire individuelle prédictible", et "chaque jeune enfant a besoin d’être entouré avec précaution, bien-traitance et attention prévenante".

Le rapport, 260 pages et sa synthèse, 17 pages, sont téléchargeables ici

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