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Laïcité dans l'espace scolaire : une frontière mouvante et des équilibres fragiles (conférence)

Paru dans Scolaire le mercredi 20 avril 2016.

La frontière "entre le permis et le toléré", entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas au regard de la laïcité dans l'espace scolaire "est bien souvent implicite et repose sur un équilibre fragile", estime Clémentine Vivarelli. Docteure en sociologie, elle intervenait le mois dernier dans le cadre d'une formation organisée par l'IFE, et le texte de sa conférence vient d'être publié. Elle a travaillé dans des collèges et lycées de Strasbourg, ville située dans le cadre concordataire, et où la présence d'immigrés est importante, près de 13 %, 5 points de plus que la moyenne nationale.

En ce qui concerne la loi de 2004, qui interdit le port de signes religieux ostentatoires dans l'espace scolaire, elle s'est inscrite dans un contexte de tensions, mais elle est s'est rapidement banalisée. Toutefois, "les établissements scolaires ont pu faire appel à des dispositifs hétérogènes" pour s’assurer de la bonne mise en application de la loi lors de sa promulgation. "Dans un collège, on a sollicité l’imam pour expliquer le bien fondé de la loi, dans un autre, on a convoqué des anciennes élèves qui sont venues parler de la nécessité de retirer le voile dans le domaine professionnel, dans d’autres établissements, on a fait le choix d’une mise en application progressive de la loi et on a mis en place un espace transitionnel où les élèves pouvaient se changer…"

Le cross et le ramadan

Mais bien d'autres questions se posent, pendant la période de ramadan par exemple. Ainsi un professeur d’EPS trouve légitime d'adapter ses exigences, un responsable de cantine "veille à ce qu’il y ait systématiquement un plat de substitution de la viande", une équipe éducative "accompagne les élèves internes pratiquants à la cantine à la tombée de la nuit", des assistants d’éducation estiment légitime "que les élèves de l’internat prient dans leur chambre le soir"... A noter que la Ville a mis en place dans ses restaurants municipaux, un accès à une viande halal. A l'inverse, un chef d’établissement "refuse de décaler le cross scolaire" car il estime que "l’école publique laïque ne doit pas tenir compte de la pratique religieuse des élèves dans l’organisation de ses activités". Dans un collège, la tradition voulait que les élèves puissent venir voilées à la fête de fin d'année, considérée comme un temps non scolaire, mais le nouveau principal a estimé qu'elle s'inscrivait dans l'espace scolaire, et que la loi de 2004 devait s'appliquer.

La conférencière note aussi que les attitudes de certains élèves (crachats pendant le ramadan, refus de consommer un repas prévu pour tous, y compris un couscous halal, contestation des connaissances à partir d’une lecture religieuse etc., élèves qui ratent le brevet qui intervient pendant ramadan) sont perçues par les équipes "comme une instrumentalisation du religieux par les jeunes pour contester soit l’autorité institutionnelle de l’école ou l’autorité du savoir scientifique, pour ne pas participer aux activités scolaires, pour tester les frontières établies entre le permis et l’interdit".

Une typologie des professionnels

Elle oppose termes à termes, "une représentation hétéronome du sujet démocratique, dont la liberté de pensée est envisagée comme une émancipation par rapport à son appartenance familiale et communautaire" et "une conception autonome du sujet démocratique, qui se caractérise par une liberté de conscience et un droit à l’autodétermination", "une représentation transcendante de l’Etat républicain, qui est à l’origine de la cohésion sociale, et qui assure l’intégration de l’individu, à une communauté de citoyens indifférenciés et égaux en droits" et "une conception immanente de l’Etat républicain en tant qu’instance de protection et de régulation de la liberté et de l’égalité des individus", "une différenciation des espaces" public et privé et "une continuité entre l’espace de l’Etat et la société civile", "une conception universaliste de la citoyenneté" et "une conception individualiste de la citoyenneté".

Si deux philosophies s’opposent, "elles se rejoignent dans leur rejet du système multiculturaliste anglo-saxon". Elles permettent d'identifier quatre types de professionnels, le "responsable libéral" qui par exemple "décide de mettre à disposition des élèves voilées, une salle leur permettant de se changer à l’intérieur de l’établissement", le "libéral convaincu" qui met en place d’un menu halal à la cantine", le "responsable communautarien" qui refuse la mise à disposition d’un tel menu et le "communautarien convaincu" qui refuse d’aménager le cross scolaire pendant la période du ramadan.

Le texte de la conférence ici , l'ensemble des conférences en audio ici

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