L'enfant unique en Chine : les conséquences morales et psychologiques d'une politique (livre)
Paru dans Périscolaire le mercredi 30 mars 2016.
"Dans la nuit du 20 octobre 2010, Yao Jiaxin, étudiant de vingt-deux ans au Conservatoire de musique de Xi’an, renverse avec sa voiture une travailleuse migrante de vingt-six ans. Non seulement il ne fait rien pour lui porter secours, mais au contraire, voyant qu’elle essaie de mémoriser le numéro de sa plaque minéralogique, il prend tellement peur que cette paysanne ne lui attire des ennuis qu’il la poignarde à huit reprises avec un couteau à peler les fruits." A cette époque, Xinran, journaliste et écrivaine chinoise, terminait le premier jet de son livre "L’enfant unique". Dès lors, ses récits "commencés sur une note légère, ont revêtu un caractère plus sombre".
"Pendant un temps, la Chine toute entière semblait divisée en trois tribus, selon des frontières morales et idéologiques", souligne l‘auteure. L’une, trouvant le crime abominable demandaient la peine de mort pour Yao, la deuxième soutenait que Yao était "la victime d’une société d’enfants uniques", qu’il aurait fallu en tenir compte et que "la peine de mort n’était pas digne d’une société moderne et civilisée", et "la troisième, composée d’un grand nombre d’étudiants de l’université, maintenait que la vie d’un enfant unique, qui avait suivi des études artistiques supérieures, possédait davantage de valeur intrinsèque que celle d’une paysanne sans instruction…"
Le monde leur appartient
L’écrivaine, dont le pseudonyme "Xinran" signifie en chinois "volontiers" ou "de bon cœur", est née à Pékin en 1958. Elle vit à Londres depuis 1997 et a fondé une association, "The mother’s bridge of love", pour venir en aide aux enfants chinois de milieux défavorisés. Désireuse de "construire un pont de mutuelle compréhension entre l’Occident et la Chine", elle est l’auteure de nombreux ouvrages principalement consacrés au sort des femmes en Chine dont "Chinoises" ou "Baguettes chinoises".
Elle commente son nouveau livre en disant : "Ceci est un livre sur la première génération d’enfants uniques en Chine, ceux nés entre 1979 et 1984. Ils ont profité seuls de tous les cadeaux matériels, de l’amour et de l’attention qu’ils auraient dû partager avec une fratrie. Pour cette raison, ils ont manqué de pratique dans tout ce qui touche à la communication, au partage, à l’entraide, à la tolérance. C’était comme si le monde n’appartenait qu’à eux."
Des enfants uniques avec lesquels Xinran parle de tout, de leur éducation, de leurs croyances, de leurs valeurs, de leurs espoirs et de leurs déceptions, de leur façon de voir la vie et leur vie. A la fois uniques et tous différents, ces jeunes chinois ont vraiment de quoi surprendre le lecteur et l’aider, non seulement à mieux comprendre la Chine mais peut-être aussi ses propres enfants.
"L’enfant unique", Xinran, Editions Philippe Picquier, 23€.
Colette Pâris