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Quelle justice pour un défaut de surveillance, administrative ou judiciaire ? (CAA de Marseille) (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le mardi 29 mars 2016.

Les dommages qui surviennent dans les établissements scolaires ou à l’occasion d’activités scolaires sont de nature très diverses ; ils mettent en jeu des règles multiples et influent sur la compétence de presque toutes les juridictions. Lorsque le dommage subi par un élève résulte d’une faute commise par un enseignant ou un personnel assimilé, sa réparation pourra être demandée sur le fondement des dispositions de la loi du 5 avril 1937 sur la responsabilité des instituteurs, dont l’article 2 est aujourd’hui repris par l’article L. 911-4 du code de l’éducation.

Cet article a été appliqué à des catégories de personnel de plus en plus diverses, y compris à des intervenants extérieurs participant à une activité organisée sous la responsabilité d’un enseignant ; ainsi qu’à des activités de plus en plus nombreuses, aussi bien celles qui se déroulent dans le cadre scolaire stricto sensu que celles qui sont extérieures aux établissements, telles que les sorties éducatives ou les voyages scolaires, dès lors que les enfants se trouvent sous la responsabilité de membres de l’enseignement. Il repose sur deux caractéristiques essentielles : d’une part, bien que l’origine du dommage se trouve dans une faute commise par un enseignant, il substitue la responsabilité de l’Etat à celle de ce dernier ; de l’autre, par dérogation aux règles traditionnelles de compétence, la responsabilité de l’Etat sera engagée devant les juridictions judiciaires.

Faute individuelle ou défaut d'organisation

A côté de ces cas où le dommage résulte d’une faute individuelle de l’enseignant concerné, que l’on désigne ordinairement par la formule du défaut de surveillance, il est d’autre hypothèses où il provient d’un défaut d’organisation ou de fonctionnement du service public d’enseignement. Tel serait le cas, par exemple, si l’administration ne désignait qu’un nombre d’accompagnateurs adultes manifestement insuffisant compte tenu de l’importance du groupe d’élèves à encadrer. Dans ce cas, la juridiction administrative redevient compétente pour engager la responsabilité de la collectivité publique.

Cette dualité se retrouve à l’occasion d’un arrêt rendu par la CAA de Marseille le 1er mars 2016. L’association sportive d’un collège avait organisée une sortie en VTT à l’intention de 9 élèves, pendant une durée s’étendant en partie sur le temps scolaire et destinée à durer plusieurs jours. Le responsable de l’activité était un enseignant d’EPS du collège, autorisé par son principal et assisté par deux bénévoles, titulaires d’un ordre de mission signé du même principal, en qualité de collaborateurs occasionnels du service public.

Un enfant foudroyé

Alors que le groupe se disposait à passer la nuit dans un refuge, les adultes ont proposé aux enfants d’aller ramasser du bois pour y allumer un feu dans le refuge. Un orage s’étant déclaré, l’un des enfants a été foudroyé et il en a gardé de lourdes séquelles. Ses frère et sœur ont donc cherché à engager la responsabilité de l’Etat devant la juridiction administrative : ils reprochaient aux organisateurs de la sortie d’avoir fait, pour la halte, le choix d’un emplacement, selon eux, notoirement exposé à la foudre et d’avoir manqué de prudence en organisant la collecte de bois alors qu’un orage venait de se déclencher.

La Cour, qui confirme la décision de rejet prise par le TA de Marseille, constate que les conditions d’application de l’article L. 911-4 étaient remplies en l’espèce : il s’agissait bien d’une activité à but éducatif, organisée dans le cadre d’un organisme relevant d’un collège, sous la responsabilité d’un membre de l’enseignement public. Par ailleurs, souligne-t-elle, les arguments essentiels invoqués par les requérants, visaient bien un défaut de surveillance qu’ils imputaient au responsable de l’expédition : ils reprochaient au professeur d’EPS d’avoir minimisé les risques, en organisant la collecte de bois pendant un orage et de ne pas avoir pris les mesures de prudence nécessaires, en ne demandant pas aux enfants de ne pas s’éloigner et en n’assurant pas sur leur activité une surveillance adéquate. Le seul problème, c’était qu’appuyé sur ce fondement, le recours n’entrait pas dans la compétence de la juridiction administrative aux termes de l’article L 911-4 du code de l’éducation. La Cour écarte doc l’argument invoqué et elle rejette le recours sur ce point.

Le défaut de surveillance devant la juridiction judiciaire 

En revanche, la juridiction administrative avait bien compétence pour examiner la question du défaut éventuel dans l’organisation ou le fonctionnement du service public. Mais, au terme de son examen, la Cour va aussi rejeter cet argument : d’une part, même s’il était vrai que, selon divers témoignages, la foudre avait plusieurs fois frappé l’endroit concerné, la fréquence de ces incidents restait limité, la commune en cause ne connaissant que 14 jours d’orage par an. Et, par ailleurs, il résultait de l’instruction que l’organisateur avait bien pris soin de se renseigner sur les conditions météorologiques avant la sortie. Il est probable, même si la Cour ne le précise pas, que les renseignements recueillis ne donnaient pas motif à inquiétude particulière.

Le recours est donc rejeté ; mais, sous la réserve éventuelle des questions de déchéance, il peut rester aux requérants une possibilité d’obtenir réparation, au travers d’un recours invoquant le défaut de surveillance devant la juridiction judiciaire compétente.

La décision n°14MA00536 du mardi 1 mars 2016 ici

André Legrand

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