Archives » Jurisprudence

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Les enseignants doivent s'adapter aux réformes (CAA de Versailles) (Une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le mardi 29 mars 2016.

Les changements de programmes imposent parfois des transformations importantes des enseignements dispensés. C’est en particulier le cas dans les enseignements technologique et professionnel, qui ont connu dans les trente décennies qui viennent de s’écouler des évolutions considérables. Ces changements peuvent imposer de douloureuses reconversions aux enseignants. C’est ainsi en particulier que la réforme des programmes de la série Sciences et techniques industrielles (STI) et l’introduction de la nouvelle série Sciences et technologie de l’industrie et du développement durable (STI2D) qui se sont appliquées à partir de l’année 2011 ont modifié de manière sensible le contenu et les méthodes à mettre en œuvre dans les classes en introduisant davantage de polyvalence et de transversalité dans les enseignements dispensés : elles ont réduit de manière drastique la spécialisation au sein de disciplines dont les enseignants étaient recrutés par des concours juxtaposant une quarantaine de spécialités différentes et ramené de huit à quatre les options composant la formation.

Les vives oppositions syndicales à la réforme prenaient appui sur les difficultés potentielles qu’elle soulevait pour les enseignants. Les reproches essentiels touchaient à la brutalité du processus d’évolution mis en œuvre, à la faiblesse des ressources documentaires disponibles ou à l’insuffisance des formations mises en place. Nombre d’ingrédients que l’on retrouve dans une affaire jugée par la CAA de Versailles le 10 mars 2016.

Une nouvelle discipline qui ne correspondait pas à sa formation 

Un professeur certifié de génie mécanique, maintenance de véhicules, s’était vu changer de discipline par un arrêté du ministre de l’éducation nationale en 2012, et s’était vu confier, dans le cadre des nouveaux programmes, un enseignement de sciences industrielles de l’ingénieur, option ingénierie mécanique. Il avait contesté ce changement devant le TA de Montreuil, en invoquant la spécificité de l’enseignement assuré jusque là qui, selon lui, n’avait rien à voir avec les quatre options dont se composait la nouvelle série STI2D. La nouvelle discipline qu’on lui demandait d’enseigner ne correspondait, ajoutait-il, ni à sa formation, ni à son concours de recrutement. Suite au rejet de son recours, il avait saisi en appel la CAA de Versailles qui confirme la décision de première instance.

La Cour constate que la décision prise par l’administration n’est que la conséquence d’un changement des programmes correspondant aux besoins du service public et qu’elle concernait l’ensemble des professeurs recrutés avant la réforme, y compris ceux qui, comme l’intéressé, enseignaient aussi en BTS, formation dont les programmes étaient restés à l’identique. Le changement de discipline, indique la Cour, était rendu indispensable pour répondre aux impératifs de la gestion des enseignants et permettre en particulier leur mutation, quel que soit le niveau où ils enseignent. Le fait que l’intéressé ait continué à assurer en partie des enseignements au contenu inchangé n’a donc aucune incidence sur la légalité de la décision de changement de discipline.

Les fonctionnaires ne sont pas des contractuels

La Cour s’appuie, pour rejeter le recours, sur un principe classique du droit de la fonction publique : les fonctionnaires sont dans une situation statutaire et réglementaire et le lien qui les unit à l’administration n’a rien de contractuel. Il en résulte qu’ils n’ont aucun droit acquis au maintien des règlements qui régissent leur situation et ont l’obligation de s’adapter aux changements que l’administration leur apporte, dès lors que ceux-ci sont réalisés de manière légale. En particulier, l’intéressé dénonçait la baisse de rémunération dont il avait été victime, dans la mesure où on l’avait obligé à assurer une partie de son service dans une formation située en amont du baccalauréat, où la pondération prévue pour les enseignements était moins favorable qu’en BTS. La Cour constate que cette circonstance n’avait pas d’incidence sur la légalité de la décision prise à son encontre.

L’intéressé cherchait aussi à engager la responsabilité de l’administration au nom de deux arguments. D’une part, disait-il, l’administration avait failli à l’obligation qui lui incombe, en vertu du code de l’éducation, de fournir aux enseignants la formation nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. En effet, on ne l’avait pas laissé suivre les formations nécessaires pour lui permettre d’assurer son nouvel enseignement dans des conditions convenables. Il prétendait même qu’on l’avait dissuadé de s’y inscrire. Cette circonstance, indique la Cour, ne peut être utilement invoquée à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir présenté contre la décision visant au changement de discipline, puisque l’organisation d’une formation ne constituait pas une exigence préalable à l’édiction de la mesure. Enfin, l’intéressé accusait l’administration de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger sa santé physique et mentale : au contraire, il avait été soumis à une inspection inopinée qui avait, selon lui, contribué à la dégradation de son état de santé. Cet argument, juge la Cour, est inopérant dans le cadre du litige en cours.

Dans un ministère où la contestation des réformes devient la norme, ce rappel des prérogatives de l’administration, même s’il repose sur un certain nombre de principes évidents, ne manque pas d’intérêt.

La décision n° 14MA00536 du 1 mars 2016 ici

 

 

 

André Legrand

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →