Enfants placés : les parents se sentent "stigmatisés et surveillés en permanence" (étude)
Paru dans Petite enfance, Justice le mardi 29 mars 2016.
Quelle est la position des parents dans les mesures de protection de l’enfance ? Comment vivent-ils le placement de leur(s) enfant(s)? Des chercheurs de FORS-Recherche sociale (organisme indépendant spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques) tentent de répondre à ces questions dans une étude publiée en février.
Pour cela, ils ont mené notamment dix entretiens avec des familles d'enfants placés (un couple de grands-parents, sept mères et deux pères). Premier constat, ces parents "semblent très isolés socialement, leur entourage social ou familial étant souvent restreint". Pour éviter l’opprobre, une majorité préfère dissimuler le fait que leurs enfants sont placés. L'une des mères confie : "Le problème, c’est que des choses comme ça, ça nous isole de tout le monde, comme quelqu’un qui a un enfant anormal. Et bah, il n’y a plus d’amis, il n’y a plus de fête…".
"Ils oublient totalement que je suis la mère"
S'ils admettent la légitimité du placement à l’origine, la plupart d'entre eux dénoncent l’abus de pouvoir dont ils seraient victimes de la part des autorités administratives et/ou judicaires et déplorent l’impossibilité de prouver leur bonne foi pour récupérer leur(s) enfant(s). Du point de vue des compétences éducatives, ces parents estiment que "les professionnels sont eux‐mêmes vecteurs des représentations négatives et de l’opprobre social à leur égard."
"Aujourd’hui encore, c’est comme si je n’existais pas. Quand on veut essayer de faire quelque chose de bien et qu’on dit à sa fille d’arrêter de parler comme ça, et que les éducateurs spécialisés me disent de ne rien dire… En tant que mère c’est difficile. Ils disent que c’est à eux de le faire et pas à moi. Ils oublient totalement que je suis la mère. C’est là où je vous dis que je suis invisible pour eux", relate l'une des mères.
Le sentiment d’être stigmatisés et surveillés en permanence
Les chercheurs tentent d'expliquer ce ressenti en se référant à une autre enquête sur les professionnels de la protection de l'enfance : "Il semblerait que les travailleurs sociaux soient en réalité très contraints dans leur action quotidienne, et qu’ils n’aient pas la possibilité (le temps, les moyens, ou encore les outils) de faire un 'pas de côté' pour échanger avec les parents, écouter leur parole, et les percevoir dans leur singularité."
Au final, le placement des enfants atteint profondément l'estime de soi des parents. Les familles se sentent scrutées, puis jugées par les professionnels. "Ils [les personnels de la pouponnière] nous observent sous toutes les coutures", souligne ainsi une grand-mère. Aux yeux des parents, cette attitude ne permet ni de mieux les connaître, ni de les aider sur le plan éducatif. Ils ont le sentiment "d’une part d’être stigmatisés, d’autre part d’être totalement contrôlés, surveillés en permanence". Plusieurs d'entre eux le vivent comme une atteinte à leur intimité. Quel est leur souhait quant aux relations avec les personnels de la protection de l'enfance ? "Ce qu'ils revendiquent avant tout, c’est la possibilité de s’exprimer et d’être écoutés", constatent les chercheurs.
L'étude est consultable ici
Diane Galbaud