Des propositions "qui ont fait leurs preuves" pour réformer la justice des mineurs (D. Youf)
Paru dans Justice le mardi 22 mars 2016.
"Une justice toujours spécialisée pour les mineurs ?", telle est la question posée par le "Doc’en poche" de Dominique Youf, directeur du service de la recherche et de la documentation à l’Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse pour un débat dans lequel le nouveau garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas vient lui aussi de s’inscrire en dénonçant une "justice des mineurs trop lente et manquant de dimension pédagogique".
Cet ouvrage reprend de manière succincte et originale toutes les particularités de cette justice spécialisée (avec ses juridictions, ses juges pour enfant, ses principes contenus dans l'ordonnance de 1945) et la compare avec la justice des enfants aux Etats-Unis. Lors de sa création au XIXème siècle, on recommandait déjà d’ "avoir pour l’enfance des juges spécialistes, comme on a des médecins spécialistes" et de "prescrire à ces magistrats d’examiner l’enfant plus que le délit".
Le respect de la Convention internationale des droits de l'enfant
L’auteur propose de réformer en modifiant l’ordonnance de 1945 jugée "illisible", mais dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui "a posé clairement les principes de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, de la recherche de leur relèvement éducatif et moral et de la spécialisation des juridictions pour mineurs"; dans le respect aussi de la Convention internationale des droits de l’enfant qui recommande qu’un mineur de 13 ans ne puisse relever de la justice pénale et que soient favorisées des "solutions autres qu’institutionnelles" en vue d’assurer aux enfants "un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l’infraction".
Dominique Youf résume les apports récents de la recherche en psychologie du développement moral et de la neuropsychologie car il souhaite que le législateur s’en inspire. Ainsi, dans la suite des travaux de Jean Piaget, il semble établi par Elliot Turiel qu’il existe des paliers d’acquisition des règles morales, l’enfant comprenant très tôt qu’il faut rechercher le bien des autres et que ce n'est que vers 14-15 ans, au dernier stade, qu'il a la capacité de déduire son comportement de règles éthiques universelles. On apprendra de plus, grâce au développement de l'IRM, qu’à l’ "adolescence, le cerveau socio-émotionnel domine le cerveau de contrôle cognitif ", et qu'aux Etats-Unis, la Cour suprême rappelle que "les progrès en psychologie et en science du cerveau continuent de montrer les différences fondamentales entre les esprits des jeunes et les esprits des adultes".
Des thérapies systémiques
Puis toujours dans sa quête d’ "une doctrine cohérente" et de "propositions qui ont fait leurs preuves", l’auteur évoque "l’importance de la participation de la famille dans la prévention de la récidive" et donc l'importance des actions éducatives en milieu ouvert (AEMO) et des thérapies fonctionnelles familiales ou des thérapies multisystémiques pour la prise en charge des délinquants multirécidivistes en milieu ouvert par plusieurs intervenants qui sont disponibles 24h sur 24 pour 4 à 6 familles.
Dominique Youf évoque aussi la dimension répressive et ce qu’il nomme "l’exigence psychologique et sociale de la rétribution" en n’oubliant pas que "a nécessité d’avoir une attitude protectrice à l’égard de l’enfant s’affaiblit à mesure qu’il grandit (…) et va jusqu’à disparaître lorsque le jeune commet un crime effroyable". Il rappelle d'ailleurs le viol et l’assassinat par un adolescent de 17 ans d’une de ses camarades à Chambon-sur-Lignon, "condamné à la peine de prison maximale que peut subir un adulte".
Au total, il demande "une réforme réaliste qui prendrait en considération une partie des exigences morales sociales et politiques des deux modèles", sanctionnateur-dissuasif et protecteur-éducatif.
"Une justice toujours spécialisée pour les mineurs?", Dominique Youf, Doc’ en poche, Place au débat, La Documentation Française, prix : 7 euros 90.