"La France accuse un retard important en termes de structuration de la recherche en éducation" (R-Éspé)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le lundi 21 mars 2016.
La recherche sur l'éducation et la formation apparaît particulièrement dispersée et peu coordonnée, c'est le constat posé d'emblée par Jacques Ginestié, directeur de l’Éspé d’Aix-Marseille et président du Réseau national des Éspé (R-Éspé), lors du 2e colloque du réseau, intitulé "le printemps de la recherche en Éspé", les 21 et 22 mars à Paris. Il relève que de nombreux groupes de recherche travaillent sur les mêmes thèmes, par exemple l'apprentissage de la lecture ou de l'écriture, "avec peu ou pas du tout de lien entre eux".
Autre dysfonctionnement : une faible visibilité des travaux conduits et donc peu d'impact social sur le système éducatif. "Les dispositifs de valorisation sont quasiment inexistants", déplore Jacques Ginestié. Par rapport aux autres pays, "la France accuse un retard important en termes de structuration et de développement de la recherche en éducation". Elle participe très peu aux appels d'offres internationaux et n'a déposé aucun projet de recherche en éducation dans le cadre du programme européen Horizon 2020.
Éspé : "une formation fortement adossée à la recherche"
Quant au lien entre la recherche et la formation des enseignants, c'est l'un des axes privilégiés lors de la création des Éspé en 2013. Il se concrétise notamment par la mise en place au niveau local de structures fédératives de recherche. Devant le lien insuffisant entre la pratique en classe et la recherche, Marie-Claude Penloup, chargée de mission à la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) du ministère, souligne le gros travail fourni par les Éspé, à travers "une formation renouvelée, universarisée et fortement adossée à la recherche".
L'Institut Carnot de l'éducation (qui devrait être dénommé "Institut Condorcet"), expérimenté en Rhône-Alpes Auvergne, devrait lui aussi favoriser les relations entre enseignants et chercheurs. Objectif : permettre aux praticiens de disposer de travaux de recherche qui répondent à leurs questionnements ou leurs difficultés.
Valoriser l'approche plurisdisciplinaire
Autre point à améliorer : le taux trop faible d'enseignants-chercheurs parmi les formateurs des Éspé. "On compte 5% de professeurs d'université, 25% de maîtres de conférences et 68% d'enseignants du premier et du second degré. Or, dans les formations très professionnalisantes comme les écoles d'ingénieurs ou les IUT, il y a 70 ou 80% d'enseignants-chercheurs", observe Jacques Ginestié. Il insiste aussi sur l'importance d'une approche plurisdiciplinaire via des projets de recherche qui "convoquent plusieurs disciplines et une diversité de points de vue complémentaires". Il regrette que cette dynamique soit très peu valorisée dans les carrières des enseignants-chercheurs.
Enfin, constatant l'éparpillement de la recherche entre diverses composantes (laboratoires, différentes sections du CNU...), Marie-Claude Penloup salue les initiatives prises pour améliorer la vision globale de ce champ : lancement de l'annuaire des chercheurs par l'Ifé (Institut français de l'éducation), création de l'Alliance Athéna (observatoire des sciences humaines et sociales) et d'une cartographie de la recherche en SHS... En parallèle, une enquête a été lancée par le ministère le 10 mars pour recenser les chercheurs et les travaux sur les questions d'éducation et d'apprentissage (voir ToutEduc ici). Ouvert jusqu'au 10 avril, le questionnaire aurait reçu 450 réponses à ce jour (sur un total de 900 chercheurs environ en Éspé).
Diane Galbaud