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L’Institut de la Petite Enfance Cyrulnik : pour des pratiques en crèche qui s’appuient sur la recherche

Paru dans Petite enfance le samedi 13 février 2016.

Les récents résultats de la recherche montrent qu’un petit enfant "fait des statistiques" en recherchant à s’inscrire dans un monde stable et "récurrent", et ils pourraient bien entraîner "une révolution" dans la pratique des professionnels des crèches et assistantes maternelles. Ils pourraient notamment remettre en cause les fameuses périodes d’adaptation, qui ont pour objet de permettre une arrivée progressive du tout-petit dans un nouveau cadre d’accueil.

C’est ce qui ressort du second cours de l’Institut de la Petite Enfance Cyrulnik qu’ont donné Laurence Rameau, formatrice de la petite enfance, et Josette Serres, docteure en psychologie du développement, vendredi 12 février à Paris, cours qui s’appuie sur leur livre à quatre mains "Pratiques pédagogiques des crèches à l’appui de la recherche" qui vient de paraître.

Pourquoi les enfants qui arrivent en crèche sans adaptation s’en sortent souvent les mieux ? A la réponse ancienne "ils n’ont pas le choix", on pourrait dire aujourd’hui en s’appuyant sur la recherche et "à l’inverse" : parce qu’il a des journées "qui dès le début sont les mêmes". L’enfant, qui selon les nouvelles connaissances sur le développement du jeune enfant, "fait ses statistiques" peut alors mieux "anticiper" dans un monde stable et "récurrent". "A partir de la 4e journée l’enfant sait que les choses rencontrées ne sont plus un hasard" et il entre alors dans un monde anticipable. C'est ce qui devrait permettre aux professionnels de dire : " Votre enfant a besoin de régularité, ils doivent pouvoir anticiper ce qui va se passer pour eux." Ou, pour le dire autrement, "dans un environnement connu et anticipable, je ne peux découvrir des choses nouvelles qu'en cherchant les mêmes choses". Les professionnels ne feront entrer une variable qu'au 4e jour.

S’agissant des "routines"; là non plus point trop n’en faut car "trop de routines tuent la ritualisation". Pour Josette Serres, "le cerveau aime aussi l’inattendu" qu’on doit permettre de faire advenir; "parfois les enfants eux-mêmes apportent du nouveau", mais ajoute alors Laurence Rameau, qui s’appuie sur la récente étude mettant l’empathie en avant pour les apprentissages, "c’est parce que nous les aimons que nous sommes là", et les professionnels ne doivent pas s’en tenir "aux soins".

"Parler bambin", une mode qui au pire ne fait pas de mal

La journée a aussi été l'occasion d'évoquer les récents résultats de la recherche autour du développement du langage et de s'interroger. Ce dernier est-il une priorité éducative ? Le câblage spécifique pour la motricité occupe une place très large au niveau préfrontal. La recherche pointe aujourd’hui une boucle perception-action efficace dès la naissance même si le développement corporel permettra une utilisation effective de ce potentiel plus tard. "En fonction de l’objet, le cerveau dit : tu vas explorer d’une certaine façon". Josette Serres développe ainsi : "si le petit objet n’est pas loin, je lui envoie un bras, plus éloigné et plus gros, j’envoie les deux mains, s’il est plus gros encore alors c’est le corps entier : pour le petit enfant les chaises, les murets sur lesquels il faut monter, cela suppose de connaître l’objet."

C'est pourquoi les apprentissages en crèche sont bien plus implicites qu’explicites, ce qui permet aux conférencières, interrogée sur la question du langage, de minorer l’importance d’un programme comme "parler bambin" qui "au pire ne fait pas de mal" (voir par exemple ToutEduc ici). Elles y voient un effet de mode.

Elles posent aussi la question des objets, et relativisent l’usage d’une dînette que l’enfant contourne : l’assiette peut aussi bien devenir un freesbee ou un chapeau sur la tête. Eu égard à l’importance des imitations, une responsable de crèche aura intérêt à avoir assez d’objets identiques et facilitateurs "d’interactions positives". Les objets moteurs du type toboggan doivent être quant à eux d’utilisation libre : il ne s’agit surtout pas d’obliger de monter par l’échelle ; pour les tout petits il est prématuré même de court-circuiter le plaisir de la descente et donc de sa remontée en rampant. Il n’y a pas de passage obligé non plus pour les structures de motricité ; il faut permettre plusieurs possibilités de monter et de descendre. Autre préconisation qu’il vaut mieux rappeler : de l’espace pour permettre "que ça galope" et de préférence pieds nus et sans tapis : la marche reste, du fait d’une tête de l’enfant relativement grosse comparée à celle de l’adulte, un apprentissage jusqu’à l’âge de 6 ans ; avant cela, son équilibrage passe plus naturellement par la course.

Comment le langage vient aux enfants

Pour le langage, le jeune cerveau effectue ses calculs de probabilité à partir de découvertes commençant in utero où il a repéré la prosodie de la langue. "A l’air libre", il note que certains sons sont plus fréquents que d’autres et jusqu’à 6 mois il stocke les sons aussi bien familiers qu’étrangers. Si l’environnement linguistique est stable, il va retenir les sons familiers de tous les jours. Au bout de 12 mois, il lui sera difficile d’apprendre de nouveaux sons, à moins de passer par des voies différentes grâce à la plasticité cérébrale. Il n’a pas été mis en évidence de lien entre le bilinguisme et les troubles de la parole et du langage. Si on veut développer le bilinguisme, on devra surtout veiller à équilibrer l’exposition aux deux langues, s’adresser à l’enfant dans sa langue maternelle mais lui donner de bonnes bases dans sa langue minoritaire eet développer son réseau social dans les deux langues.

C’est à cette aune que les deux auteurs ont pu reprendre par aphorisme la caractère implicite des processus d’évolution dans l’acquisition du langage : "ce n’est pas la langue qu’il faut apprendre mais le plaisir de communiquer" avec en guise ce dernier conseil : "il y a une grande variabilité individuelle ; quand il commence à parler, il faut lui apprendre du vocabulaire mais sans en faire un exercice de répétition."

Le site de l'IPE ici

"Les pratiques pédagogiques des crèches à l’appui de la recherche", éditions Philippe Duval, 304 p., 29,50 €

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