Le "soft power" de l’OCDE en matière d'éducation (revue Futuribles)
Paru dans Scolaire le vendredi 05 février 2016.
"En 2013, la Finlande, pourtant considérée comme un modèle de performance au niveau européen dans toutes les enquêtes sur les acquis des élèves, a entrepris une réforme fondamentale, avec l’abandon d’une partie de l’enseignement par discipline au profit d’enseignements par sujets ou par thèmes." C’est, selon Alain Michel, conseiller scientifique de Futuribles International, l’un des exemples d’innovation directement issus des études comparatives sur l’éducation menées par diverses instances internationales.
Dans un article du dernier numéro de la revue Futuribles, l’auteur s’interroge sur le poids croissant des standards internationaux et notamment sur le "soft power" de l’OCDE, par l’intermédiaire des enquêtes PISA. Revenant sur "le choc PISA" à la suite de la publication des premiers résultats en 2000, surtout en Allemagne, Alain Michel analyse l’influence de ces enquêtes sur les politiques éducatives.
Une argumentation persuasive
Il constate que "si l’OCDE ne peut pas émettre de recommandations ayant un caractère impératif, elle se fonde sur son expertise pour développer une argumentation persuasive, qualifiée parfois de ‘gouvernance souple’, qui s’appuie sur la production d’idées, le cadrage de problématiques politiques et la promotion d’options politiques présentées comme pertinentes". Dans la plupart des pays l’impact a eu lieu en trois temps : d’abord la focalisation des médias dès la parution du classement, ensuite les commentaires qui perdurent tout au long de l’année et pour finir "l’appel à la réforme".
"En France, on a constaté une lente dégradation des résultats depuis 2000, surtout pour les inégalités entre élèves en fonction de leur origine sociale", rappelle l’auteur. "Cela a remis en cause le système de l’élitisme républicain, et a pu justifier les efforts depuis 2006 pour établir un socle commun de connaissances et de compétences pour la scolarité obligatoire, puis plus récemment la réforme du collège."
Des évolutions convergentes
Va-t-on pour autant vers une européanisation de l’éducation ? Si les travaux de l’OCDE contribuent à une certaine convergence des politiques éducatives, Alain Michel tient à nuancer l’impact de PISA en soulignant "la spécificité des différents systèmes éducatifs, liée en partie à leur histoire, notamment en ce qui concerne les finalités de l’éducation". Néanmoins, "les deux principales évolutions convergentes qui caractérisent les systèmes éducatifs en Europe sont la définition des curriculums en termes d’acquis d’apprentissage et l’intégration des compétences clefs, notamment transversales".
Partout, on assiste à des réformes, ne serait-ce qu’à cause "des nouveaux défis posés, l’accélération du progrès technologique, l’impact du numérique et l’internationalisation croissante de la vie économique et sociale". Réformes qui ne vont pas au même rythme selon les pays. "En France, lorsqu’on observe les fortes réactions négatives à la réforme du collège, on peut être circonspect sur la capacité du système d’éducation à entreprendre une réforme aussi profonde qu’en Finlande", observe l’auteur. Pour autant, "elle ne pourra pas rester à l’écart de la tendance générale à développer des compétences clefs transversales et des enseignements plus personnalisés prenant davantage en compte la diversité des talents et des potentiels des individus".
Futuribles, janvier-février 2016, n°410, 22€.