Immersion bilingue scolaire précoce : un effet bénéfique sur le développement cognitif (ANAE)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Culture le mercredi 20 janvier 2016.
"L'immersion bilingue scolaire précoce constitue un mode d'enseignement bénéfique pour la plupart des enfants", observent Martine Poncelet et Anne-Catherine Nicolay, chercheuses à l'unité de neuropsychologie du langage et apprentissages de l'Université de Liège, dans un article publié par la revue de l'ANAE (Approche neuropsychologique des apprentissages chez l'enfant) datée d'octobre 2015, consacrée aux aspects neuro-cognitifs du bilinguisme. En quoi consiste cette immersion ? Elle se caractérise par une exposition massive (de 50 à 75% du temps scolaire) à une seconde langue. C'est un dispositif de longue durée : de l'entrée en grande section de maternelle jusqu'à la fin du primaire, voire avec une prolongation possible dans le second degré. Autre spécificité, l'enseignement dans chacune des deux langues (maternelle et seconde) est dispensé par un locuteur natif (ou qui en a une connaissance équivalente).
Quel est l'impact de l'apprentissage du langage écrit en anglais au CP sur la maîtrise ultérieure du code orthographique français ? C'est l'une des questions analysées par Martine Poncelet et Anne-Catherine Nicolay, à partir d'une comparaison entre des enfants en situation d'immersion bilingue précoce et des enfants suivant un enseignement scolaire monolingue classique. Constat : à l'issue de l'école primaire, les enfants engagés dans le programme immersif ne présentent pas de lacunes dans la maîtrise du français écrit au niveau lexical.
Développement cognitif : des performances supérieures à celles des monolingues
Autre question étudiée par les chercheuses : l'acquisition d'une 2e langue dans un contexte immersif précoce peut-elle avoir un effet bénéfique sur le développement cognitif ? Elles ont mené une première étude auprès d'enfants de huit ans, en immersion bilingue depuis trois ans. Ont été évaluées leurs capacités d'alerte (réactivité), d'attention, de flexibilité mentale... Résultat : les performances de ces enfants sont "significativement supérieures à celles de leurs pairs monolingues".
Une deuxième recherche a été conduite auprès de jeunes adultes ayant bénéficié d'une immersion bilingue durant leur scolarité. Les bénéfices observés chez les enfants ne sont plus décelés chez eux. Martine Poncelet et Anne-Catherine Nicolay en déduisent que c'est la pratique très régulière des deux langues qui pourrait augmenter les capacités de flexibilité mentale.
Dans une dernière étude, les chercheuses analysent l'évolution des aptitudes chez de jeunes enfants en immersion bilingue. Elles mettent en évidence les facteurs cognitifs favorisant l'acquisition d'une deuxième langue : il s'agit "des habiletés de discrimination phonémique et de mémoire phonologique à court terme", ainsi que "des fonctions d'attention sélective auditive et de flexibilité mentale".
Pour terminer, Martine Poncelet et Anne-Catherine Nicolay soulignent que d'autres études ont montré que cette immersion bilingue précoce n'a pas d'impact sur la réussite scolaire des enfants présentant certaines difficultés d'apprentissage générales ou spécifiques.
ANAE n° 136-137, "Bilinguisme aspects neuro-cognitifs", octobre 2015.
Diane Galbaud