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"Manque d'équité", "absence de stratégie d'ensemble" : les remarques du Comité des droits de l'enfant de l'ONU sur le rapport de la France

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice le jeudi 14 janvier 2016.

"L’annonce de la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale ne compense pas les 80 000 supprimés précédemment. Il semble par ailleurs qu’un faible pourcentage de ces 60 000 postes programmés aient effectivement été ouverts", estime Jorge Cardona Llorens, corapporteur du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, lors de l'examen du rapport présenté par la France sur les mesures prises pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l’enfant, les 13 et 14 janvier à Genève. Le corapporteur s'inquiète aussi "du trop grand nombre d’élèves ne fréquentant pas les cantines scolaires".

Autre point faible à ses yeux : la tendance de la France à placer les enfants handicapés dans des établissements spécialisés, plutôt que de privilégier une éducation inclusive dans les écoles ordinaires. "La France ne pourrait-elle pas s’inspirer de l’exemple de certains de ses partenaires européens en la matière ?" Selon lui, les classes spécialisées constituent une véritable ségrégation. Seul un enfant autiste sur cinq serait intégré dans un établissements ordinaire et souvent pour des horaires extrêmement limités, souligne-t-il.

Un manque d’équité dans les politiques publiques

Par ailleurs, Jorge Cardona Llorens relève "un fossé grandissant entre la métropole et les territoires d’outre-mer en matière de pauvreté". Ainsi, il déplore un manque d’équité dans les politiques publiques, en termes budgétaires, entre la métropole et l’outre-mer, Mayotte en particulier. Selon lui, le manque d’équité concerne aussi les enfants en situation de vulnérabilité, Roms et étrangers non accompagnés notamment. "Cela illustre la difficulté de la France à évaluer dans ses budgets les montants à réserver aux droits fondamentaux", estime-t-il.

Plus globalement, le coraporteur relève que la France ne reconnaît pas d’effet direct à la majeure partie de la Convention des droits de l'enfant. "On peut compter sur les doigts d’une main les dispositions qui sont considérées par le pays comme ayant un effet direct dans l’ordre interne français", remarque-t-il. Et d'interroger : Quelles mesures ont été prises par la France pour que la Convention puisse être invoquée directement ?

L'absence d'une stratégie d'ensemble concernant les droits de l'enfant

Hynd Ayoubi Idrissi, corapporteuse, tout en se félicitant "des progrès réalisés dans de nombreux domaines, normatifs, institutionnels et politiques", questionne la France sur le tout nouveau Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge : aura-t-il un rôle uniquement consultatif, puisqu’il est prévu qu’il donne un avis sur tout projet législatif concernant l’enfant ? Elle déplore l’absence d’une stratégie d’ensemble prenant en compte les droits de l’enfant et estime que la diffusion et la connaissance de la Convention restent insuffisantes.

Autre sujet d'interrogation à ses yeux, les mesures prises en matière de lutte contre les discriminations : d'une part celles relatives au plan d’action sur l’égalité entre les filles et les garçons à l’école mis en place à la rentrée 2014-2015 (qui a succédé aux "ABCD de l’égalité"), et d'autre part celles concernant "les enfants Roms et autres enfants en situation précaire, qui se voient refuser l’accès à l’école ou le bénéfice de certains loisirs parce qu’ils n’ont pas de logement stable".

Une insuffisante prise en considération de la parole de l’enfant

Motif d'inquiétude pour le comité : des "chiffres faisant état de deux décès d’enfants par jour dus à des violences au sein de la famille". Des mesures sont-elles prises pour mettre un terme à cette situation dans le cadre d’une stratégie globale de lutte contre les violences à l’encontre des enfants ? questionne Hynd Ayoubi Idrissi, tout en relevant que le retrait de l’autorité parentale est rarement prononcé. "Face à l’augmentation de la pauvreté dans le pays et alors qu’au moins 8 000 enfants vivent dans des bidonvilles", la corapporteuse s'interroge en outre sur "l’impact du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté".

Elle pointe aussi "une insuffisante prise en considération de la parole de l’enfant ainsi qu’une insuffisante association de l’enfant aux projets ou décision le concernant, notamment au niveau de la justice". Le Comité s’inquiète de "l’absence d’une interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels". D’une manière générale, il déplore "l’importance des violences domestiques et du harcèlement à l’encontre des enfants".

Un autre membre du Comité note que les 16 mineurs soupçonnés de terrorisme et interpellés "sont soumis à un régime qui déroge aux procédures habituelles de la justice pour mineurs". Il interroge : "Quelles mesures la France entend-elle prendre pour préserver les dispositions de la justice juvénile, y compris dans le cadre de la lutte antiterroriste ?"

Une attention toute particulière envers les enfants plus vulnérables

À l'issue de cet examen, la délégation française, conduite par Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée de la Famille, de l’Enfance, des Personnes âgées et de l’Autonomie, répond à un certain nombre de questions, tout en réaffirmant "l’ambition du gouvernement pour la politique de l’enfance, avec une attention toute particulière envers les enfants plus vulnérables". Sur la question des disparités entre la métropole et les territoires d’outre-mer, elle indique qu'un plan a été lancé pour les trois prochaines années, "qui comprend 110 mesures axées, notamment, sur des efforts dans l’éducation, en particulier en Guyane et à Mayotte".

Au sujet des jeunes handicapés, la délégation explique que si historiquement, en France, leur prise en charge a eu tendance à se faire en institution spécialisée, "une transition est en cours vers des systèmes plus inclusifs". Sur le thème de la maltraitance, "il est prévu d’ajouter une disposition à la loi actuelle afin de faire en sorte que la simple exposition d’un enfant à des actes de violence puisse permettre de déchoir le parent violent de son autorité sur cet enfant", souligne-t-elle. En matière de justice, la délégation rappelle que "le tribunal pour enfants demeure compétent lorsque des mineurs sont impliqués et il n’y a pas à cet égard de procédure d’exception pour les actes de terrorisme".

Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU adoptera, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la France et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le 29 janvier.

Le compte rendu de l'ONU est consultable ici

Diane Galbaud

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