Ateliers-philo : comment mettre en place des "habiletés de pensée" ? (revue Recherches en éducation)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le jeudi 07 janvier 2016.
"Les ateliers-philo en contexte scolaire", c'est le thème de la revue Recherches en éducation (n°24) datée de janvier. Les programmes scolaires n'intègrent pas les ateliers-philo. Or, ils constituent une pratique légitime, "en cohérence avec le socle commun" : telle est l'analyse de Jean-Pascal Simon et Marion Boulnois, respectivement maître de conférences à l'université de Grenoble-Alpes et professeure certifiée de philosophie en lycée, dans l'un des articles. À leurs yeux, ces ateliers permettent "d’éveiller les enfants et les collégiens à une autre dimension de l’éducation : le penser par soi-même, le plaisir de la spéculation, l’éveil aux grandes questions de la philosophie, la familiarisation avec les auteurs et les textes".
Sur le plan didactique, ces pratiques nécessitent un changement de perspective : l'objectif n'est plus de faire trouver la bonne réponse à une question, mais d’inviter à produire de nouvelles questions, à s’ouvrir à l’opinion des autres et au "penser ensemble". L'enseignant n'a plus à transmettre des connaissances, mais il doit "aider à la mise en place d'habiletés de pensée". Toutefois, aucune formation précise n'est proposée dans ce domaine... Jean-Pascal Simon et Marion Boulnois s'inquiètent de retrouver sous cette appellation "une pluralité de pratiques parfois fort éloignées de la philosophie".
Mythologie : des ressources inépuisables pour engager la réflexion
Par conséquent, les deux auteurs tentent de dégager les principes d'une "bonne mise en œuvre" de ces ateliers en contexte éducatif. Ceux-ci peuvent partir d’une histoire, d’un conte, d’une séquence de film, d’un extrait de roman, etc. "Notre pratique personnelle nous montre que les récits tirés de la mythologie, et particulièrement des textes fondateurs que sont l’Iliade et l’Odyssée constituent des ressources inépuisables pour engager la réflexion", soulignent Jean-Pascal Simon et Marion Boulnois.
Selon eux, plusieurs "exigences" doivent être respectées pendant les séquences. Il s'agit d'abord de faire émerger un questionnement, par exemple "faut-il toujours suivre ses envies ?" en partant du mythe d'Icare. Sur cette base, les élèves doivent ensuite engager un travail de définition : qu’entend-on par désir ? Puis, il convient de "ne pas en rester au simple échange d’opinions".
Confronter son opinion, par l’argumentation, à celles des autres
Jean-Pascal Simon et Marion Boulnois expliquent : "Ainsi ne s’agit-il pas seulement d’avoir et d’exprimer des opinions, mais de prendre conscience que l’on en a, de s’interroger sur leur origine et sur leurs fondements, de les confronter, par l’argumentation, à celles des autres ce dont témoigne un élève de quatrième quand il dit qu’il croit que le destin existe parce qu’il est musulman. Le point de vue soutenu est ici argumenté et est fondé sur une croyance clairement exprimée comme telle".
Les auteurs précisent : "Dans ce type de situation, il n’y a aucun problème à entendre cette argumentation pour peu que celui qui la porte entende des points de vue fondés sur d’autres modes d’argumentation".
L'objectif final doit être de "dégager, dans la mesure du possible, les enjeux et les implications de nos affirmations". Autrement dit, il s’agit "d’apprendre à penser de manière cohérente et logique en évitant les contradictions, à entrevoir les conséquences de ses propos". Un exemple : "s’il existe un destin, alors nous ne sommes pas libres. Mais si l’on peut échapper à son destin, alors, ce n’est plus vraiment un destin au sens fort".
La revue Recherches en éducation est consultable ici
Diane Galbaud