On peut devenir biadmissible à l'agrégation en un an (une analyse d'A. Legrand pour ToutEduc)
Paru dans Scolaire le mardi 22 décembre 2015.
En termes de rémunération, il existe traditionnellement une catégorie intermédiaire entre les professeurs agrégés et les professeurs certifiés, celle des biadmissibles, qui, comme leur nom l’indique, ont été par deux fois admissibles à l’agrégation, sans y être reçus. Ces enseignants ne forment pas un corps spécifique : ils font partie de celui des certifiés. D’ailleurs, on ne peut pas être biadmissible si on n’est pas titulaire du CAPES. Le seul avantage qu’apporte l’appartenance à la catégorie des biadmissibles est d’ordre financier : les intéressés bénéficient d’un échelonnement indiciaire particulier, impliquant une rémunération légèrement supérieure à celle des certifiés de classe normale (autour de 50 points d’indice à échelon égal).
La biadmissibilité peut s’acquérir, quel que soit le concours auquel l’intéressé(e) s’est présenté(e) : interne ou externe. Depuis un décret de 2004, on peut, si on remplit les conditions, se présenter, au cours d’une même session, aux deux types de concours. C’est ce qu’avait fait une enseignante d’anglais de l’académie de Bordeaux en 2011. Elle avait été déclarée admissible aux deux concours et demandait en conséquence la reconnaissance de sa biadmissibilité.
Le recteur de l’académie ayant refusé sa demande, l’intéressée s’est tournée vers le tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté son recours. En appel, la Cour administrative de Bordeaux vient d’annuler, dans une décision du 15 décembre 2015, cette décision du TA.
Pour justifier son refus, le recteur se fondait sur une note de service de 1991 émanant du ministère : elle réservait le bénéfice de l’échelonnement indiciaire aux candidats déclarés admissibles à l’occasion de concours organisés au titre de sessions distinctes pour des années différentes. La Cour estime que cette position ne tient pas compte de la situation nouvelle créée par le décret de 2004 et, appliquant une jurisprudence classique, elle constate que la note de service invoquée, qui présente un caractère impératif, crée une condition qui n’est pas prévue dans les textes réglementaires et ajoute donc au droit existant. Or le ministre n’a pas le pouvoir de prendre des décisions restreignant l’accès à l’échelonnement indiciaire favorable, cette compétence ne pouvant appartenir qu’aux autorités disposant du pouvoir réglementaire (pour l'essentiel le Premier ministre). Une circulaire ne peut pas édicter une telle restriction : il faudrait un décret qui soit la décide lui-même, soit autorise le ministre à l’établir par délégation..
Constatant que la requérante a été déclarée deux fois admissible à un concours d’agrégation, la Cour estime qu’elle remplit les conditions pour accéder à la catégorie des biadmissibles et elle enjoint au recteur, sous astreinte, de lui accorder le bénéfice de l’échelonnement indiciaire favorable dans un délai d’un mois.
André Legrand