Handicap et protection de l’enfance : "des enfants invisibles, victimes de l’incapacité à dépasser les cloisonnements institutionnels" (Défenseur des droits)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le mardi 01 décembre 2015.
"Les enfants en situation de handicap et pris en charge par les services de la protection de l’enfance" : c'est le thème choisi par le Défenseur des droits, Jacques Toubon, et la Défenseure des enfants, Geneviève Avenard, son adjointe, pour leur rapport annuel sur les droits de l’enfant, rendu public le 20 novembre. Une décision issue des "multiples réclamations provenant de parents, d’associations ou de professionnels".
Sur les 308 000 enfants faisant l'objet d’une mesure de l’aide sociale à l’enfance, 70 000 seraient porteurs de handicap. "Ce sont des enfants invisibles, exposés à des vulnérabilités accrues et à des dénis de leurs droits", dénonce le rapport. Dans les politiques publiques d’accompagnement du handicap, comme dans celles de la protection de l’enfance, ils sont "oubliés des systèmes d’information existants, et donc ni quantifiés ni identifiés".
Incapacité à dépasser les cloisonnements institutionnels
À l’intersection de politiques publiques distinctes, ces enfants s'avèrent "victimes de l’incapacité à dépasser les cloisonnements institutionnels". Le rapport déplore "l’empilement des dispositifs et la multiplicité des acteurs, ainsi que les différences de cultures professionnelles, notamment autour de la place des parents et du travail avec les familles".
En l’absence de réponses adaptées, nombreux sont les enfants qui se voient "contraints de rester à domicile ou accueillis par défaut" dans les structures relevant de la protection de l’enfance, et "privés de certains de leurs droits fondamentaux". En conséquence, le Défenseur des droits recommande la mise en place systématisée de fiches de liaison entre l’ASE (Aide sociale à l'enfance) et la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) pour chaque mineur pris en charge, ainsi que la création d’un référent ASE au sein des MDPH, et réciproquement.
Il suggère aussi de développer des "chartes départementales du partage de l’information nominative dans le champ de la protection de l’enfance", signées par l’ensemble des professionnels intervenant auprès de l’enfant. Autre proposition : l'animation de réseaux de formations et de stages croisés entre ces acteurs, incluant notamment la Justice et l’Éducation nationale
Renforcer les liens entre l’Éducation nationale et l’aide sociale à l’enfance
L’appréciation du danger ou du risque de danger pour l'enfant peut résulter d’une méconnaissance du handicap, "notamment pour les acteurs de l’Éducation nationale". Il convient donc de les sensibiliser au handicap et aux spécificités d’une prise en charge par le dispositif de protection de l’enfance. Sur la question de la scolarisation, le Défenseur de droit préconise de renforcer les liens entre l’Éducation nationale et l’aide sociale à l’enfance. Objectif : "favoriser la remobilisation des enfants autour de projets éducatifs conformes à leurs potentiels et à leur permettre de réussir dans toute la mesure de leurs capacités."
Le rapport remarque aussi que les troubles envahissants du développement, dont les troubles du spectre autistique, "restent difficiles à appréhender et appellent des réponses adaptées". Par conséquent, il recommande de former les travailleurs sociaux et les magistrats à ces questions.
Quant aux parents, le rapport pointe une insuffisance en termes de prévention précoce et de soutien à la parentalité. "La vulnérabilité des familles en cas de survenue d’un handicap est accentuée lorsqu’elles connaissent des fragilités multiples (économiques, sociales,…)", observe-t-il. Le Défenseur des droits recommande donc un diagnostic précoce et une annonce du handicap aux parents "accompagnée d’un soutien au processus d’attachement et d’une prise en charge rapide".
Le rapport est consultable ici
Diane Galbaud