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Une mixité sociale "désirée", c'est ce que veut obtenir N. Vallaud-Belkacem

Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 10 novembre 2015.

"Les familles elles-mêmes seront désireuses de mixité sociale, qui répond à l'intérêt bien compris de leurs enfants." Hier 9 novembre, la ministre de l'Education nationale a présenté à la presse les mesures destinées à "renforcer la mixité sociale dans les collèges", et elle a pris soin de rassurer sur un sujet qui préoccupe manifestement l'opinion publique, à en juger par le nombre des journalistes présents. Pour Najat Vallaud-Belkacem, il y a à la fois "urgence à agir", car ce qui est en cause, c'est "le sentiment d'appartenance à l'Ecole de la République", la nécessité de "faire société" : pour elle, "tous les authentiques Républicains doivent refuser la ghettoïsation". En même temps, elle refuse "le grand soir", elle ne veut pas "faire le bonheur des gens malgré eux". Et, ajoute-t-elle, "on n'est pas là pour couper tout ce qui dépasse". Elle demande en revanche à chacun de renoncer aux idées toutes faites et aux postures, "la libéralisation sans règle aggrave les inégalités, tandis qu'une trop grande rigidité empêche de les réduire". Quant au secrétariat général de l'enseignement catholique, il partage le même souci.

Concrètement, c'est une petite centaine de collèges dans une vingtaine de départements qui seront concernés à la prochaine rentrée. Sur une vingtaine de territoires en effet seront créés, conformément au décret du 15 juillet 2014 (ici) et à la circulaire de janvier 2015 (ici), des intersecteurs, donc une autre gestion de la carte scolaire. S'y trouvent "un ensemble de collèges, pas trop nombreux, entre lesquels vont pouvoir s'exercer le choix des familles", ces établissements sont publics ou privés et "significativement ségrégués entre eux", c'est à dire que la composition sociale de chaque collège ne reflète pas la composition sociale du territoire. La DEPP (le service statistique de l'Education nationale) a d'ailleurs élaboré des outils qui permettent de comparer les compositions sociales, mais aussi de voir d'où viennent les élèves de chacun des collèges d'un territoire donné et donc de visualiser combien habitent à proximité d'un établissement mais sont scolarisés dans un autre. Elle a également mis au point un autre outil qui permet de visualiser les effets sur la composition sociale d'un établissement de l'arrivée de quelques élèves en plus ou en moins.

Aller chercher tous les parents

Sans imaginer pouvoir rééquilibrer tous les collèges, ce qui supposerait des transferts importants, les autorités locales, collectivité territoriale et Education nationale, réuniront toute la communauté éducative, parents compris. Pour Florence Robine, la directrice générale de l'enseignement scolaire,"la mise en place d'une nouvelle carte scolaire sans les familles n'a aucune chance de fonctionner". Elle insiste, si les fédérations nationales et les associations locales de parents seront impliquées, il faudra aussi qu'une politique pro-active aille chercher ceux qui sont les plus éloignés de l'école. Les écoles primaires sont également concernées. Reste alors à convaincre chacun que tout le monde y gagne. On sait, scientifiquement, que c'est vrai pour les élèves les plus faibles, et que les meilleurs n'y perdent rien. Y gagnent-ils ? Oui, estime la ministre, parce qu'ils peuvent aider leurs camarades en difficulté à comprendre un exercice, et du coup mieux s'approprier un savoir acquis un peu superficiellement. Et surtout, "les familles aisées sont de plus en plus conscientes que leurs enfants évolueront dans un monde globalisé", et qu'il est donc de leur intérêt de rencontrer la diversité le plus tôt possible. Elle considère de plus que "l'esprit du 11 janvier n'est pas retombé" et que "les Français sont intelligents et soucieux du vivre ensemble". Plus prosaïquement, ils sont davantage soucieux de savoir leurs enfants en sécurité, et de penser qu'on prendra en compte leurs besoins, que d'homogénéité sociale, estime Catherine Moisan la directrice de la DEPP.

L'ensemble s'inscrit de plus dans le cadre de la réforme du collège qui interdit la ségrégation à l'intérieur des établissements via le jeu des options et qui tend à uniformiser l'offre de formation, tout en donnant aux collèges des marges de manoeuvre, donc la possibilité d'avoir un vrai projet, et de l'afficher. Une fois les acteurs convaincus (la ministre ne parle pas des enseignants), plusieurs leviers peuvent jouer pour favoriser une plus grande mixité sans contraindre. Chaque établissement peut donc faire valoir sa politique. Mais l'administration peut aussi jouer sur la carte des langues, et sur l'affectation des élèves.

Un accompagnement scientifique

Seconde caractéristique de cette démarche, elle bénéficie d'un accompagnement scientifique. Aussi bien des sociologues (Pierre Merle, Agnès Van Zanten, Choukri Ben Ayed, Joanie Cayouette-Remblière, Marie Duru-Bellat) que des économistes (Julien Grenet, Son-Thierry Ly, Arnaud Riegert, Nina Guyon, Yann Algan, Elise Huillery, Estelle Cantillon) accompagneront les territoires dans l'élaboration des stratégies de réduction des inégalités, et des outils d'évaluation de l'impact des mesures prises en termes de réussite scolaire comme de climat scolaire. Avant la fin 2016, donc trois mois après sa mise en place, le CNESCO rendra un premier rapport.

Cette évaluation doit permettre de prouver que la démarche est bénéfique, et convaincre les départements, sans lesquels elle ne peut être mise en place, qu'ils peuvent s'engager sans craindre de "se mettre à dos les populations". Les communes aussi seront sollicitées. Faute d'informations dans la base élèves, ce sont en effet elles qui connaissent la répartition sociologique des enfants.

Actuellement, 17 départements sont engagés dans la démarche : le Doubs (droite), La Haute-Loire (LR), le Puy-de-Dôme (Radical de gauche), la Seine-Saint-Denis (socialiste), la Haute-Savoie (droite), la Loire (LR), l'Hérault (socialiste), la Meurthe et Moselle (socialiste), le Maine-et-Loire (UDI), l'Eure-et-Loir (LR), l'Indre-et-Loire (centre), Paris (socialiste), la Charente-maritime (LR), l'Ille-et-Vilaine (socialiste), le Bas-Rhin (LR), le Tarn (socialiste), la Haute-Garonne (socialiste). La ministre compte que trois autres devraient rejoindre la liste.

Le coût d'un élève en REP +

Le dossier de presse rappelle que 10 % des collèges publics accueillent 35 % d'élèves très favorisés, et que 70 collèges accueillent "plus de 82 % de collégiens d'origine sociale défavorisée".

A noetr aussi la publication, sur le site de Canopé, du "Tableau de bord de l'éducation prioritaire" (DGESCO). On y voit notamment que le coût d'un élève dans un collège REP+ est de 5 509 € contre 4 423 € hors éducation prioritaire, mais que le coût d'un enseignant y est de 62 560 € contre 64 154 € hors éducation prioritaire (le dossier ici)

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