Journées d'automne du CRAP : un débat sur l'enseignement de la morale, sur la laïcité et sur l'apprentissage de la démocratie
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le mercredi 21 octobre 2015.
C’est Pierre Kahn, coordonnateur des experts pour le programme de l’enseignement moral et civique qui a initié le débat proposé sur l’EMC par les Cahiers pédagogiques lors de la première des deux Journées d’automne de l’association qui se tenaient ces 19 et 20 octobre au lycée Paul Bert de Paris. "Les attentats ne sont pas à l’origine des nouveaux programmes", précise-t-il et l’enseignement moral et civique constitue "une innovation heureuse" s’il recourt aux discussions philosophiques sur les dilemmes moraux, ces derniers ne portant d’ailleurs pas uniquement sur les valeurs de la république.
D’ailleurs P. Kahn s’interroge : "en quoi ces valeurs impliquent-elles des comportements ? Et à partir de quand cet enseignement risque-t-il de se traduire en ordre moral ?" Toujours est-il, avertit l’expert, que si l’Ecole est tenue d'amener les élèves à s’approprier les valeurs de la laïcité, ce n’est plus une "laïcité-cadre juridique" mais une "laïcité de conscience". Françoise Lorcerie cible son intervention sur les relations entre laïcité et islam en rappelant que "ce débat flambe depuis les foulards de 1989". Se fondant sur son expérience de terrain, loin des clichés ou idées toute faites, elle explique que, pour les musulmans, "la laïcité est un principe qu"ils ont appris à connaître comme protecteur depuis 1989, et ils recherchent la laïcité plutôt que le communautarisme peu valorisant à leurs yeux". La période Rocard a favorisé un "vivre ensemble faisant le jeu assimilationniste", le travail à mener étant plus du côté de la perception de l’altérité. "Il faut former les profs sur ce point : la rencontre avec les musulmans". A Marseille, la rencontre avec des imams a installé de l’empathie et permis de "soutenir nos institutions laïques".
Une citoyenneté réflexive
Michel Tozzi, didacticien de la philosophie, considère que cet enseignement moral et civique introduit de la philo à l'école primaire. Insistant sur le rôle du maître pour que se produise "un processus intellectuel", il veut "une discussion démocratique", une justice dans la répartition des temps de parole, des règles, un président, un "reformulateur" et donc une "éducation à la citoyenneté réflexive" dans un cadre scolaire et sécurisé.
Enfin, Paul Gros, ancien responsable de la catéchèse nationale et ex secrétaire d'une collectivité locale milite quant à lui pour une "laïcité ouverte". Il insiste sur une nécessaire approche commune école-collectivités locales de la question en pointant l'importance des PEDT, sa conception de la laïcité "étant de permettre du commun à tous ceux qui vivent en France non pas malgré mais avec leurs visions différentes".
Cette rencontre a permis aux orateurs de se rejoindre sur une conception ouverte faite de rencontres, de travail voire de confrontations "nécessaires" des différentes visions, la laïcité se rangeant in fine plutôt dans la catégorie "cadre juridique" que dans celle des "valeurs à défendre".