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Titulaires remplaçants : le Conseil d'Etat précise leurs obligations (Analyse juridique - A. Legrand)

Paru dans Scolaire le samedi 01 août 2015.

Même si les mesures d’application de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République de juillet 2013 ont apporté d’importantes évolutions dans la définition de leurs missions, le service des enseignants reste principalement défini en termes de présence horaire devant les élèves. Mais cette règle est difficile à appliquer intégralement aux personnels titulaires qui sont exclusivement appelés à assurer des fonctions de remplacement de leurs collègues absents et ne sont donc pas en permanence en présence d’élèves. La question de leurs obligations de service a donc donné lieu à certains débats devant le juge administratif, comme le montre un arrêt du Conseil d’Etat, rendu le 22 juillet 2015.

La loi du 11 janvier 1984 dispose que les remplacements de fonctionnaires, dans la mesure où ils correspondent à un besoin prévisible et constant, doivent être assurés par d’autres fonctionnaires. C’est dans ce cadre que l’administration de l’Education nationale a mis en place des personnels enseignants titulaires (TZR) chargés exclusivement d’assurer le service effectif des personnels qu'ils remplacent. Ils sont affectés dans une zone définie et rattachés pour leur gestion à un établissement public local d'enseignement ou un service.

Pas de présence quotidienne

Le décret du 17 septembre 1999 prévoit, dans son article 5, qu’entre deux remplacements, ces personnels enseignants peuvent être chargés, dans la limite de leur obligation de service statutaire et conformément à leur qualification, d'assurer des activités de nature pédagogique dans leur établissement ou service de rattachement. Cela n’implique pas une présence quotidienne de l’enseignant dans l’établissement. Mais il doit se présenter dans celui-ci afin de prendre connaissance des dispositions que le chef d’établissement entend prendre à son égard et rester à la disposition de ce dernier.

En 2014, le Conseil d’Etat avait été amené à annuler un jugement du TA d’Amiens concernant une retenue sur traitement infligée à un TZR d’allemand pour absence de service fait. Après avoir signé son procès-verbal d’installation le jour de la rentrée scolaire, l’intéressé était resté chez lui. Le tribunal avait estimé que, ce faisant, il n’avait pas rempli ses obligations de service. Mais le Conseil d’Etat, constatant qu’il avait attendu vainement que le chef d’établissement prenne contact avec lui, avait estimé que le tribunal administratif avait commis une erreur de droit ; il n’avait pas explicité les motifs lui ayant permis de conclure en quoi l’enseignant avait failli à ses obligations. Il avait annulé le jugement et renvoyé l’affaire devant le TA pour réexamen.

Passer un concours

Dans l’affaire de 2015, qui concernait un autre établissement de la même ville, une professeure d’anglais s’était également vu infliger une retenue sur traitement pour absence de service. Le TA avait annulé une partie des retenues et validé les autres. Dans une analyse très fouillée, le Conseil d’Etat décompose la durée de la suspension en cinq périodes, en apportant une réponse circonstanciée pour chacune d’entre elles.

Au cours de la première période, l’enseignante passait le concours d’entrée à l’ENA, où elle était admissible et elle avait pris contact avec son chef d’établissement avant le début des épreuves orales pour discuter avec lui de la conciliation entre le déroulement du concours et ses obligations de service. En estimant qu’elle pouvait, dans ces conditions, se voir opposer une absence de service fait, dit le Conseil d’Etat, le TA d’Amiens a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, puisque l’intéressée avait bien respecté l’obligation d’information qui lui était imposée et mis le chef d’établissement en mesure de la contacter à tout moment en cas de besoin.

En revanche, pour la seconde période, l’intéressée, qui passait également les épreuves écrites du concours d’administrateur de l’Assemblée nationale, n’avait averti son chef d’établissement qu’après le début du concours ; là encore, le TA avait validé la retenue sur traitement. Le Conseil d’Etat annule pour erreur de droit le jugement du tribunal. Il lui reproche de n’avoir pas recherché si l’enseignante avait une autorisation d’absence ni si, en l’absence de celle-ci, elle pouvait ou non être regardée comme restant en mesure de répondre dans un délai approprié aux instructions de son chef d’établissement. Or, la réponse à ces questions était nécessaire pour déterminer si l’intéressée avait ou non respecté les obligations incombant à un TZR. Ayant annulé le jugement de première instance, le Conseil reprend l’examen de l’affaire, pour constater que l’enseignante n’avait demandé aucune autorisation d’absence. Et il estime qu’en prévenant son chef d’établissement tardivement, elle ne s’était pas mise en position de répondre dans un délai approprié aux instructions éventuelles de celui-ci, puisque, n’ayant pas été averti à l’avance il ne connaissait pas les conditions permettant de la contacter efficacement. Le Conseil a donc validé la retenue sur traitement pour la période concernée.

Assurer des cours de soutien

Finalement, lors d’une période ultérieure, le chef d’établissement avait demandé à l’enseignante d’assurer des cours de soutien. Elle avait refusé, en prétendant que cette demande était illégale, ces cours devant se dérouler en même temps que les enseignements obligatoires. Appliquant une jurisprudence constante, le Conseil d’Etat lui donne tort et valide la retenue sur traitement pour la période concernée : le fonctionnaire est soumis à l’obligation d’obéir aux ordres de l’autorité hiérarchique. Il ne peut s’en dispenser qu’à deux conditions cumulatives : que l’ordre soit manifestement illégal et que son exécution soit de nature à compromettre gravement un intérêt public. Ces deux conditions n’étant pas réunies ici, l’enseignante devait exécuter la mission demandée et, en la refusant, elle n’avait pas effectué son service.

Au total, une jurisprudence nuancée, qui précise bien les contours de l’exigence de rester à disposition, qui indique clairement les conditions du contrôle du juge sur cette notion et qui, en définitive, s’efforce de concilier au mieux les droits de l’agent et les besoins du service.

André Legrand

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