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La biennale de l'éducation : le dissensus, la coopération, la foire, et des interrogations essentielles

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice, Orientation le samedi 04 juillet 2015.

"Peut-être faut-il se féliciter de ce que Michel-Ange n'ait pas souhaité de coopération pour peindre le plafond de la chapelle Sixtine, ni recherché de consensus avec le syndicat des peintres sur fresques de l'époque !" Cette boutade de Philippe Meirieu, l'un des orateurs chargés de la clôture de la 9ème "Biennale de l'éducation, de la formation et des pratiques professionnelles", témoigne de la richesse et des difficultés, des ambiguïtés du thème choisi, "coopérer ?".

Comme les éditions antérieures, explique Jean-Marie Barbier qui préside l'association organisatrice, la biennale est un congrès scientifique, une rencontre des professionnels de l'éducation et de la formation, en même temps qu'une manifestation sociale et politique, en un mot "une foire, comme celles du Moyen-âge, à la fois lieu d'une intense activité de travail, lieu de rencontre, lieu d'échanges, lieu de fête". C'est même "le contraire d'une rencontre académique" car pour Jean-Marie Barbier, "le modèle disciplinaire a atteint ses limites", les sciences sociales "rendent compte des états, mais pas des processus" qui les provoquent et la biennale veut décrire ces processus, et entend bien contribuer au mouvement, être elle-même un processus. "Et nous avons choisi le thème 'Coopérer ?' parce que, de même qu'on ne peut pas ne pas communiquer, on ne peut pas ne pas coopérer, quitte à ce que la coopération soit conflictuelle. Nous devons penser la transformation."

Quand le monde des entreprises (mais cela vaut pour l'éducation) ressemble aux sociétés primitives

Ce thème se retrouve dans une remarque faite lors d'un atelier consacré à la laïcité par les mouvements d'éducation populaire : "une démarche laïque, c'est faire vivre des dissensus"; mais c'est aussi, rappelle Charles Conte (Ligue de l'enseignement), retrouver l'esprit de la Résistance, quand Joffre Dumazedier inventait "l'entraînement mental" avec l'ambition de créer une culture commune dans des maquis où se retrouvaient des ouvriers et des universitaires, afin que les uns ne prennent pas le pas sur les autres. Norbert Alter (sociologue) constate qu'aujourd'hui, nous sommes plutôt dans la situation des "sociétés primitives", du moins en ce qui concerne le monde du travail, où les gens se plaignent "de ne plus avoir le temps de travailler", où les gestionnaires tentent de rationaliser des relations marquées par le désordre et par des formes de lien social non prévues, mises au service d'une compétence collective non mesurable, et mal utilisée, ou non utilisée.

Résultats : un sentiment de non reconnaissance, puisque l'acteur ne voit pas reconnu ce qu'il donne au collectif, un collectif de travail atrophié et la tentation du repli sur soi-même, avec des formules du type "je ne fais plus que mon boulot !" En cause, une vision "économiciste" du travail, qui cherche à rentabiliser les temps de rencontre, considérés comme du temps perdu.

Pouvons-nous nous passer d'une "verticalité fondatrice" ?

A l'inverse Philippe Meirieu liste toutes les "bonnes raisons" qu'ont les individus de "ne pas coopérer", à commencer par le fait de ne pas être reconnu comme l'auteur unique de son oeuvre. Mais le pédagogue pointe aussi le risque d'une stratification du groupe, puisque tout projet coopératif génère "une organisation, avec ses concepteurs, ses exécutants, ses chômeurs et ses gêneurs". Il s'inquiète aussi des "co-constructions" qui deviennent un argument imparable pour éviter le débat démocratique, comme si le produit d'une coopération devenait indiscutable.

Mais P. Meirieu fait aussi l'éloge du "faire ensemble", des projets capables d'intégrer des nouveaux venus, et de répartir les responsabilités, donc de conférer de l'autorité à celui qui est légitimement désigné pour assumer une tâche. Cela répond pour partie à la question posée par Regis Debray : ne faut-il pas qu'une "verticalité fondatrice" vienne donner au groupe une forme ? Peut-on fonder une socialité sur la coopération ?

P Bouchard. DR pour les photos de P Meirieu et de J-M Barbier

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