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Comment mesurer la mixité à l'école? Quelques exemples internationaux

Paru dans Scolaire le jeudi 04 juin 2015.

Comment mesure-t-on la mixité en Belgique, en Suède aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne ? C'était la question posée en ouverture ce jeudi de la conférence internationale organisée par le CNESCO (Conseil national d'évaluation du système scolaire) et le CIEP (Centre international d'études pédagogiques) afin de confronter les expériences en matière de "mixités sociale, scolaire et ethnoculturelle à l'école". Et rapidement, se dessinent des méthodes très diverses, de la France qui ne prend en compte que des critères socio-économiques pour mesurer la mixité, à la Belgique où les statistiques sont rares, en passant par la Suède qui essaie d'évacuer les questions religieuses et ethniques de ces données. Et naît une rupture claire avec les pays anglo-saxons - Grande-Bretagne, Canada et Etats-Unis - qui recourent à des statistiques ethniques, voire raciales. 

Mais pour bien mesurer la mixité sociale, il faut d'abord la définir. Georges Felouzis, professeur en sociologie des politiques éducatives à l'université de Genève, la cerne en prenant son contrepied, à connotation négative: la ségrégation. C'est "une mise à l'écart", une "assignation à résidence", selon lui, qui alimente un cercle vicieux : la ségrégation urbaine produit de la ségrégation scolaire qui, à son tour, reproduit de la ségrégation urbaine. Prenant l'exemple du collège du Petit Bard, à Montpellier, dont les mères sont venues témoigner et dénoncer la ségrégation, il fait le constat qu'en France, "l'offre éducative n'est pas la même partout". En cause, la carte scolaire, qui régule les flux : appliquée strictement, elle reproduit les inégalités, assouplie, elle a également des effets pervers. La politique d'éducation prioritaire, elle, ne suffit pas, car elle ne lutte que contre les effets de la ségrégation et non la ségrégation elle-même, explique G. Felouzis. D'où l'idée d'une comparaison internationale, précise Nathalie Mons, présidente du CNESCO, pour "dédramatiser et agir". 

Mesurer la mixité : une problématique politique et ethnique

Concernant les outils pour mesurer la mixité, la Belgique et la Suède n'utilisent pas non plus de statistiques ethniques. Chez nos voisins belges, les données précises ne sont pas disponibles : plusieurs entités se disputent les statistiques et, de manière générale, la protection de la vie privée empêche de collecter des données de manière systématique. Marc Demeuse, professeur en sciences de l'éducation et vice-recteur à l'enseignement à l'université de Mons, a cependant réussi à dégager quelques chiffres en s'appuyant sur des critères socio-économiques et en découpant le territoire. Il démontre que le système éducatif belge est fortement ségrégué. Chaque élève peut, à chaque niveau, changer d'établissement. Une libéralisation qui aboutit à ce que "les écoles les plus défavorisées perdent leurs élèves les plus favorisés" et vice-versa, selon lui. Cette ségrégation suit l'élève jusqu'à l'université puisque le "stigmate de l'école d'origine" est encore visible trois ans après l'entrée à la fac, l'école d'origine ayant un effet plus grand sur la réussite que le fait d'être boursier ou non. 

En Suède, le système est entièrement libéralisé : l'élève a le choix de son école et la municipalité verse la même somme d'argent à l'école, qu'elle soit public ou privée, pour chaque enfant. Les données statistiques sont largement collectées, sur tous les élèves, et non pas uniquement sur des échantillons, par un seul organisme. Des comparaisons sont faites entre les villes et au niveau national. En revanche, il est impossible de collecter des informations relatives à la religion et à l'ethnie. Se pose alors la question de l'intégration des enfants d'origine étrangère, qui ont souvent moins accès à des données leur permettant de faire le meilleur choix en matière d'établissement, explique Eva Andersson, professeure associée de l'université de Stockholm. On peut cependant mesurer les écarts en s'intéressant à deux facteurs : les langues parlées par l'enfant et les indicateurs sociaux. 

Les statistiques ethniques ou raciales 

Dans les pays anglo-saxons, la question est moins taboue, même si elle reste éminemment politique. En Grande-Bretagne, la pratique de statistiques ethniques s'est répandue dans les années 80, s'appuyant notamment sur le constat d'une discrimination latente, qu'on ne pourrait eradiquer qu'en la mesurant avec des critères précis. Mais ce n'est qu'en janvier 2002 que l'ethnie a été introduite dans les critères des données collectées auprès des élèves, précise Anne West, Professeur des politiques éducatives à la London School of Economics. 

Le Canada utilise la notion de "minorités visibles" pour mesurer la mixité. Aux Etats-Unis, même si ces critères sont aujourd'hui en perte de vitesse face à des critères socio-économiques, la race a longtemps été prise en compte dans les mesures. Non sans problème, puisque jusqu'en 1997, il était impossible de cocher plusieurs races lors des recensements. En général d'ailleurs, ce n'était pas les personnes elles-mêmes qui remplissaient cette case mais des professeurs ou administrateurs, qui jugeaient donc la personne sur des critères physiques. La race étant difficile à conserver, on lui préfère aujourd'hui des critères socio-économiques qui sont d'ailleurs souvent corrélés à la race. Mais, comme le précise Gabriel Rompré, étudiant en sociologie, "il est impossible de connaître l'effet de l'intégration socio-économique sur l'intégration raciale si on ne possède pas de statistiques sur l'origine ethnique". 

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