"Pour permettre l'accueil des enfants handicapés à l'École, il faut travailler à mailler les compétences avec les personnels médico-sociaux" (T. Nouvel, UNAPEI)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le mercredi 03 juin 2015.
Du 4 au 6 juin 2015, Toulouse et sa région accueillent le 55e congrès de l'UNAPEI (Union nationale des associations des parents d'enfants inadaptés) sur le thème "Portraits de familles: construire sa vie avec un proche handicapé". Que sont en mesure d'attendre les adhérents de cette Union, les 55 000 familles et les 550 associations qui gèrent quelque 3 100 établissements et services pour personnes handicapées en France, de ce rendez-vous national où sont attendues 1 170 personnes, des parents et des professionnels? C'est ce que nous avons demandé au directeur général de l'Union, Thierry Nouvel.
ToutEduc : Quel est l'enjeu de ce 55e congrès?
Thierry Nouvel : L'objectif est de revisiter les fondamentaux de notre association, qui est avant tout une association de parents au sens large, de mères, de pères, de sœurs, de frères. Nous avons voulu que ces derniers puissent s'exprimer sur leurs parcours, leurs craintes, leurs joies, leurs attentes... Au 21e siècle, qu'est-ce qu'être un parent d'enfant handicapé? Et il est important que les professionnels entendent ces derniers pour adapter leurs pratiques à leur vécu et à leurs attentes, attentes qui ne sont pas les mêmes qu'il y a 50 ans. Nous souhaitons ainsi impulser une nouvelle dynamique associative et rebâtir des solutions en matière d'accueil et d'accompagnement.
ToutEduc : Pourquoi vouloir revisiter vos fondamentaux et changer vos pratiques?
Thierry Nouvel : Nos associations se sont montées parce qu'à l'époque on ne voulait pas des enfants handicapés à l'École. Maintenant, on veut davantage d'enfants en milieu ordinaire. On assiste à une véritable mutation d'un système qui se veut plus inclusif. Or nous voulons que les professionnels de nos associations soient moteurs de cette dynamique. On ne peut pas faire une École inclusive sans eux. On a besoin d'eux. Mais leur métier se transforme, appelle à d'autres techniques éducatives, parce que justement on est dans un autre contexte. Il faut donc faire prendre conscience aux associations, aux institutions, aux ministères, qu'il doit y avoir une modification de l'accompagnement dans les années à venir. Aujourd'hui, tout le monde dit "inclusion, inclusion, inclusion" mais parfois, quand il s'agit de le faire, on met des enfants handicapés dans une classe sans avoir forcément des moyens adaptés, avec des profs démunis et pas formés. Nous souhaitons, même s'il y a encore des résistances, amener les professionnels médico-sociaux vers et dans l'École. Ils pourront être au service des enfants handicapés mais pourront aussi servir à d'autres enfants! Il faut travailler à mailler les compétences avec ces personnels médico-sociaux qui ont une vraie expertise.
ToutEduc : Vous parlez de résistances, mais globalement quels sont les freins à cette inclusion?
Thierry Nouvel : D'abord les méthodes éducatives. Aujourd'hui à l'École, il n'y a qu'une seule méthode pour apprendre. Il faut adapter les méthodes aux particularismes, notamment ceux des enfants handicapés. Nous avons donc des messages à faire passer à l'Éducation nationale. Il y a aussi des freins institutionnels et culturels. Les associations sont financées à part, par le ministère des Affaires sociales et non l'Éducation nationale, et elles ont donc un interlocuteur différent. C'est un monde un peu à part, qui est le fruit de notre histoire d'ailleurs puisque ce secteur s'est développé parce que personne ne voulait s'occuper des enfants handicapés. D'où l'importance de travailler au rapprochement des institutions susceptibles d'accueillir ces enfants. Il y a des freins culturels aussi: nous n'avons pas les mêmes manières de travailler, les mêmes habitudes, une formation professionnelle qui n'est pas la même, pas les mêmes références. À l'École c'est la culture de la réussite scolaire avec un diplôme alors que les instituts médico-sociaux sont dans la culture de l'apprentissage, sur des questions beaucoup plus larges que l'acquisition de connaissances et de compétences.
ToutEduc : Les messages que vous évoquez, vous allez les faire passer à qui et comment?
Thierry Nouvel : Nous publierons évidemment les actes du colloque mais le congrès sera l'occasion de définir surtout des orientations. Sur les suites à donner en matière de revendications, mais aussi en interne. Nous voulons vraiment nous réinterroger nous-mêmes et donner une place différente à l'enfant. L'idée est de proposer des solutions plus mixtes, de vraiment construire le vivre ensemble.
ToutEduc : Ce jeudi est organisée à Albi (81) la visite d'une structure d'accueil temporaire petite enfance 0/6 ans qui accueille 5 enfants de façon concomitante et propose un accompagnement adapté au handicap de chaque enfant qui permet, lorsque c'est possible, l’inclusion en crèche ou en école maternelle. Y en a-t-il beaucoup du même type en France?
Thierry Nouvel : Je ne peux pas vous dire combien il en existe mais ces structures qui facilitent l'inclusion scolaire sont plutôt exceptionnelles. Se sont aussi créées depuis la rentrée dernière des unités d'enseignement en maternelles pour enfants autistes. Il y en a trente en France. Même pas une par département. Mais on est au début de quelque chose.
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Propos recueillis par Camille Pons