Histoire : la ministre défend des programmes plus souples, le CSP va revoir leur écriture
Paru dans Scolaire le mercredi 03 juin 2015.
"On va très très sensiblement modifier" l'écriture des programmes d'histoire, a annoncé Michel Lussault, président du CSP (Conseil supérieur des programmes), mercredi à l'issue d'une matinée de débats sur l'enseignement de cette discipline. La ministre de l'Education nationale était venue le matin même défendre l'esprit de ces nouveaux programmes, qui entendent "laisser plus de souplesse aux enseignants".
En cause : l'introduction de sujets optionnels aux côtés de thématiques obligatoires. Il faut certes laisser aux enseignants la possibilité de faire des choix mais plus dans le traitement du sujet que le sujet en lui-même, a reconnu M. Lussault. Ainsi, peut-être l'enseignement des Lumières devra-t-il être obligatoire, mais on pourra les aborder sous l'angle de leur essor en Europe ou de leur exportation dans le monde, a-t-il donné en exemple. "On ne va pas inventer de nouveaux thèmes", a-t-il assuré, mais "notre écriture n'était pas au niveau de ce que nous voulions" faire comprendre, elle est trop "allusive", a-t-il jugé.
Najat Vallaud-Belkacem a, elle, répondu à plusieurs critiques qui ont jailli autour de l'enseignement de l'histoire. A ceux qui voient dans les programmes l'écriture d'une "histoire victimaire", elle a oppose "la grandeur", "indissociable de la bassesse qu'elle combat" : la portée de l'abolition de l'esclavage ne peut être comprise que si si l'esclavage est expliqué, assure-t-elle. Elle a également défendu une histoire chronologique, un enseignement laïc des religions, fustigeant au passage la controverse née autour de l'enseignement obligatoire de la naissance de l'islam, introduit en France en 1902, selon elle.
Enfin, elle a loué des nouveaux programmes qui donnent aux élèves "le goût de la vérité", dans un monde où ils sont "bombardés d'informations" vraies ou fausses, toutes placées sur le même plan, alors que les rapports d'autorité évoluent.
Panser l'histoire, penser l'histoire
Comment enseigner l'histoire aujourd'hui ? Quel sens lui donner ? Quels grands principes en tirer "qui correspondent à l'état de notre société en 2015? Nous ne pouvons plus enseigner l'histoire aujourd'hui comme nous le faisions en 1975", rappelle Michel Lussault. "On veut apprendre de plus en plus de choses aux enfants sur des horaires de plus en plus réduits", s'est inquiété l'historien Pierre Nora.
Lui perçoit un débat divisé en deux camps, entre ceux qui cherchent "profondément le lien unificateur d'une histoire", une mémoire commune, et ceux qui veulent "rendre justice à des mémoires brisées dont la France est pleine", un enseignement de l'histoire qui consiste donc à "panser". Selon lui, les nouveaux programmes ne sont pas "scandaleux" mais contiennent "quelques traits" moralisateurs qui amènent à panser plus que penser. "Le moment où on enseigne la Shoah, c'est la parenthèse morale", estime également son collègue Dominique Borne. Attention à "l'histoire des mémoires", met en garde de son côté l'historienne Colette Beaune : "la mémoire est souvent celle des massacres, donc des victimes et des coupables", or l'"histoire n'est pas que celle des victimes et des coupables".
Le CSP attend les retours de la consultation qu'il mène actuellement auprès des enseignants sur le programme d'histoire. Selon Michel Lussault, les nouvaux programmes, réécrits, seront disponibles en septembre.