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Réforme du collège : "Une réforme pour rien, mais non sans effets" (P. Tournier - SNPDEN, interview)

Paru dans Scolaire le mardi 26 mai 2015.

Le congrès du SNPDEN, le syndicat UNSA des personnels de direction, à Avignon, a vu la reconduction de son secrétaire général, Philippe Tournier.

ToutEduc : Vous avez été réélu avec 96 % des voix, un score qui témoigne de l'absence d'opposition au sein de votre organisation syndicale ...

Philippe Tournier : Effectivement, il n'y avait qu'une seule liste. Nous avons d'ailleurs beaucoup de votes très unanimes. La culture politique des AG mouvementées d'autrefois est en train de disparaître. Pour beaucoup de nos membres, c'est la première fois qu'ils adhèrent à un syndicat. Mais si cette réélection n'était pas un enjeu majeur du congrès, nous en avions d'autres. Nous avons modifié les statuts pour renforcer la parité dans certaines instances, et nous avons remplacé le "bureau national" par une "conférence nationale", dont tous les secrétaires académiques sont membres à côté d'un exécutif national, de façon à tenir compte de la nouvelle organisation du pouvoir.

ToutEduc : "Nouvelle organisation du pouvoir", que voulez-vous dire ?

Philippe Tournier : La variabilité d'une académie à l'autre est très grande, et il arrive que les recteurs décident de ne pas mettre en oeuvre la politique du ministère, lequel est incapable de la leur imposer. Certains ont ainsi décidé que l'IF2R serait moindre pour l'adjoint que pour le chef d'établissement, en contradiction avec les textes. Nous avons saisi l'administration centrale qui nous a donné raison, mais sur le terrain, dans ces académies, le combat n'est pas terminé.

ToutEduc : On peut imaginer que la réforme du collège a occupé une bonne place dans vos débats...

Philippe Tournier : Absolument pas. Elle n'a été que très peu un objet de discussion. Nous avons d'ailleurs le sentiment d'assister à un spectacle un peu long et répétitif. Nous sommes atterrés et consternés de voir les uns et les autres se livrer à un concours à qui dira le plus de sottises. Nous avons apporté notre soutien à la réforme parce qu'elle donne davantage de marges de manoeuvre aux établissements, encore que ce soit dans un cadre très contraint, et un peu de fongibilité entre les horaires disciplinaires, encore qu'elle soit cadenassée. Pour le reste, où est la grande transformation ? Les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) ressemblent à s'y méprendre aux IDD (itinéraires de découverte) qui furent abandonnées par le ministère lui-même. Pour le latin, tout se passera très bien; à chaque réforme, on hurle que c'est la mise à mort des langues anciennes, et à chaque réforme, elles progressent, y compris le grec ! D'ailleurs, contrairement à ce qu'imaginent beaucoup d'enseignants, ce sont les instances locales qui protègent le mieux les disciplines. Vous imaginez le conseil d'administration d'un collège supprimer le latin ? Quant à l'allemand, la réforme le met réellement en difficulté; que fera-t-on de tous ces germanistes qu'on va recruter ?

ToutEduc : Donc une réforme pour rien ?

Philippe Tournier : Peut-être une réforme pour rien ... mais non sans effets. Tout d'abord, nous avons en travers de la gorge la disparition de l'accompagnement éducatif. Nos collègues le voient supprimé de manière subreptice cette année ici ou là, et ce sera généralisé à la rentrée prochaine, en attendant la réforme. Et celle-ci n'évoque qu'à peine la question de travail personnel des élèves. Mais elle supprimer une heure en français. Mais surtout, nous sommes inquiets. Sur qui allons-nous pouvoir nous appuyer pour mettre en place cette nouvelle organisation du travail ? La publication du décret et de l'arrêté le lendemain même de la grève était de très mauvais goût, et elle a achevé de braquer les enseignants. Les salles des professeurs sont divisées comme jamais. Les enseignants qui travaillaient déjà de fait en interdisciplinarité ne le feront pas dans un cadre imposé. De plus, il y a vraiment un risque que les EPI soient anxiogènes, qu'ils favorisent les élèves bons ou "moyens plus", et mettent encore plus en difficulté ceux qui le sont déjà. En lettres classiques, beaucoup se donnent du mal depuis des années pour ne pas en faire un outil de l'élitisme, et on leur tient un discours moralisateur sur le caractère élitiste du grec et du latin : ils sont blessés, humiliés.

ToutEduc : Qu'aurait-il fallu faire ?

Philippe Tournier : L'important, ce sont les programmes. C'est de cela qu'il fallait parler d'abord. Le CSP élabore des programmes sans savoir de combien d'heures disposeront les enseignants, et on détermine des nombres d'heures sans savoir pour quels programmes ! Il fallait laisser les questions d'organisation aux établissements.

ToutEduc : Et que faut-il faire maintenant ?

Philippe Tournier : La priorité va à l'apaisement, à la réconciliation.

 

 

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