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Jean Zay, le rénovateur de l’école de la République

Paru dans Scolaire le vendredi 22 mai 2015.

Jacky Simon, inspecteur général honoraire et médiateur honoraire de l’Education nationale nous a adressé cet hommage à Jean Zay, que nous publions bien volontiers.

Au moment où s’opposent deux conceptions de l’école, il est particulièrement instructif de revenir à Jean Zay ministre de l’éducation du Front Populaire qui va entrer au Panthéon, en compagnie de Germaine Tillion, Géneviève Anthonioz De Gaulle et Pierre Brossolette Il rejoindra dans ce lieu illustre de mémoire les grands hommes que Mona Ozouf distingue des héros : "le héros est l’homme de l’instant salvateur , alors que le grand homme est celui du temps cumulatif, où s’empilent les résultats d’une longue patience et de l’énergie quotidienne. Le grand homme a une vie cousue d’une même étoffe."

Jean Zay est avant tout un homme résolu qui ne se résigne pas, qui refuse les coups d’éclat et trace son chemin envers et contre tous les obstacles nombreux qu’il a rencontrés. Comme homme politique, ce n’est pas un hasard si comme Mendés France, il refuse les pleins pouvoirs à Pétain. Ce n’est pas un hasard si Jean Zay, grand Républicain d’origine juive, franc maçon, fait prisonnier, sera assassiné par la milice de Vichy.

C’est cette même détermination et ce sens de l’honneur, du courage civique qui le fera démissionner de son poste de ministre de l’éducation le 3 septembre 1939 pour rejoindre son régiment .On ne peut que lire avec émotion le livre que Jean Zay a écrit en prison, "souvenirs et solitude" (Belin Edition 2012) dans lequel l’homme apparaît comme un tout.

Comme ministre , quel travail accompli et à poursuivre si la guerre n'en avait pas décidé autrement.

Jean Zay n’avait aucune référence pédagogique qui aurait pu le prédestiner a ce poste. Je constate la parenté avec un grand ministre dans la même situation, Alain Savary qui d’ailleurs faisait souvent référence à son illustre prédécesseur. Il sut s’entourer de gens de grande qualité et avec humilité et ténacité, porté par une volonté de démocratisation de l’école, il prit immédiatement la décision de prolonger la scolarité obligatoire de 13 à 14 ans et valorisa la "classe de fin d’études". Dans un système où régnait les deux écoles, l’une filière du premier degré pour les enfants du peuple et l’autre, celle des humanités classiques réservées aux enfants mieux nés, il tenta par la voie législative de les rapprocher mais devant les conservatismes, y compris dans son propre camp, il essaya de contourner les obstacles par la voie réglementaire mais ne réussit qu’imparfaitement, faute de temps sans doute. Il unifia les programmes de premier cycle secondaire et de l’enseignement primaire. Mais surtout plutôt que de heurter de front certains, il créa à titre expérimental des classes de 6° d’orientation destinées à accueillir aussi bien des élèves des écoles primaires que des classes élémentaires du secondaire.

Il ébauchera les prémices de ce qui deviendra un dispositif d’orientation scolaire destiné en principe à brasser les élèves sans distinction d’origine sociale.

Mais c’est surtout avec ses instructions de 1938 qu’il donna une impulsion sans précédent à la pédagogie nouvelle telle que des pionniers comme Célestin Freinet la pratiquaient. Sans à priori, il s’appuya sur les leçons des diverses expériences pour développer l’éducation physique avec Léo Lagrange et les activités dirigées de nature à faire appel aux capacités de spontanéité de l’enfant, afin d’approfondir un enseignement moins formel mais plus efficace par exemple en ce qui concerne l’apprentissage de la langue.

Persuadé qu’on "ne possède effectivement que ce qu’on met en œuvre" il insiste sur le travail des élèves et redéfinit le rôle du maître qui ne fait ni cours, ni leçon, ni conférence mais fait classe, c'est-à-dire organise d’une façon rigoureuse le travail des élèves .

Il est par ailleurs persuadé de la nécessité de diffuser notre enseignement à l’étranger "un des facteurs essentiels du rayonnement de la France" comme le signale Antoine Prost dans la préface de son ouvrage de souvenirs, et dans "Jean Zay , le ministre assassiné" écrit avec Pascal Ory (Taillandier -2015)

Esprit ouvert , il avait une conception globale de son rôle. Notons au passage qu’il est ministre de l’Education nationale et des Beaux –Arts. Ainsi était il convaincu que dans la société "le savoir et l’intelligence n’étaient plus seuls à conditionner l’accès à toutes les fonctions". Aussi proposa-t-il une grande réforme de structure : la création d’une Ecole nationale d’administration et fit voter en 1939 par la Chambre des députés un projet de loi créant l’ENA. La guerre venant, le Sénat n’eut pas le loisir de s’en saisir. Mais il avait posé des fondations qui seront reprises plus tard par Michel Debré. Le festival de Cannes, le CNRS, c’est encore lui …..

Humaniste , convaincu que l’homme est un tout et que l’école doit former en instruisant et en éduquant , Jean Zay est bien un précurseur et un innovateur, un progressiste qui a ouvert la porte à l’accès futur de la quasi totalité des enfants de France à un enseignement secondaire libre et gratuit. Il l’a fait avec sa passion et son intelligence.

Souvenons nous de ce que l’école républicaine doit à cette innovateur, à un moment où on s’efforce de creuser le sillon qu’il nous légué.

Je sais , pour ma part ce que je lui dois.

 

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