La Suède, laboratoire de la mise en concurrence des lycées
Paru dans Scolaire le lundi 09 novembre 2009.
L’introduction en Suède dans les années 1990 des "chèques éducation" et l’abandon, dans la région de Stockholm, de la carte scolaire ont abouti à un phénomène de "marchandisation du lycée". C'est la thèse présentée par Mikael Palme et Elisabeth Hultqvist, maîtres de conférences au département de science de l’éducation (université de Stockholm) dans la revue Recherches en Education, publiée par le Centre de Recherche en Education de Nantes. Les années 1990 ont été marquées en Suède par des mesures de décentralisation. Le principe des "chèques éducation" a été mis en place en 1994: les familles reçoivent par la commune de leur domicile des chèques qu’elles peuvent dépenser dans l’établissement de leurs vœux. "Ce système a facilité l’ouverture d’écoles qui n’appartiennent pas à la commune mais dont les ressources proviennent des chèques éducation", notent les auteurs. Conséquence : Une explosion du nombre des lycées « libres » (privés). En 2008, à Stockholm même, 37 % des élèves de l’enseignement secondaire ont choisi un lycée libre.
L’expansion rapide des lycées libres a provoqué la mise en concurrence des établissements, renforcé par l’abandon de l’équivalent de la carte scolaire au niveau secondaire, dans la région du grand Stockholm. "Face à la nécessité de garantir leur propre recrutement d’élèves, les lycées tendent à se transformer en entreprises éducatives", estiment les chercheurs. Selon eux, les filières et programmes d’études sont présentés par les lycées comme une "offre" dirigée vers une "demande", les élèves et les familles sont "les clients". Par ailleurs, la direction d’établissement, qui incombait à un enseignant, est désormais le plus souvent assurée par un économiste ou un juriste. La compétition entre les lycées a engendré le développement de techniques de marketing. Annonces dans la presse, courriers envoyés aux familles… Dans les budgets annuels des lycées, les dépenses pour la publicité ont fortement augmenté. Dépendants, pour leur pérennité, de leur réputation auprès des familles, les établissements fonctionnent en outre en vases clos. "Le plus souvent ils sont fermés au regard extérieur, notamment celui de la recherche".
Résultat: "une fuite des lycées perçus comme scolairement ou socialement hétérogènes par les familles qui veulent assurer, et qui en ont les moyens, le succès scolaire de leurs enfants." Pour les chercheurs suédois, le choix du lycée exprime comment on se définit socialement et à quel groupe on s'identifie.