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Réforme du collège : une double page, pour et contre, dans "Le Monde", une lettre (contre) d'A. Morvan, un témoignage (pour) de C. Baudoin

Paru dans Scolaire le lundi 18 mai 2015.

"Le Monde" daté du mardi 19 mai, jour du mouvement de grève lancé par plusieurs syndicats contre la réforme du collège, consacre une double page au débat intellectuel qu'elle suscite.

Un collectif comprenant notamment Jean Baubérot (historien, sociologue), Laurent Berger (secrétaire général de la CFDT), François Chérèque (Terra nova), Boris Cyrulnik (psychiatre), Hervé Hamon (écrivain), Philippe Joutard (ancien recteur), Phlippe Lazar (INSERM), Pierre Léna (La Main à la pâte), Philippe Meirieu (pédagogue), Pierre Merle (sociologue), Camille Peugny (sociologue), Jean-Marc Roirant (Ligue de l'enseignement), Joël Roman (philosophe) et Agnès Van Zanten apporte son soutien à la réforme. "Le collège à venir doit rassembler tous les élèves dans les mêmes classes, parce qu’apprendre ensemble permet de mieux vivre ensemble et de travailler ensemble à un monde meilleur (...) Comment convaincre notre jeunesse des valeurs de notre République - liberté, égalité, fraternité et laïcité - alors que le collège leur offre tous les jours le spectacle de l’injustice, de l’exclusion et de la séparation ? (...) L’actuelle réforme du collège marque un pas important vers un collège plus juste en réduisant sensiblement la part des dispositifs facultatifs actuellement suivis par une minorité (...) le collège actuel consacre beaucoup plus de moyens aux 15 % qui réussissent déjà (...) qu’aux 15% les plus fragiles (...) Il faut que tous les élèves quittent le collège en ayant acquis le goût du savoir et puissent, à partir de l’acquisition d’un socle commun, continuer à se former tout au long de leur vie. (...) La France n’a pas voulu choisir, contrairement aux autres pays de l’OCDE, entre un collège qui permet aux élèves de conforter les savoirs de base et d’élargir ensemble leur culture pour poursuivre leur formation et un collège qui reste la zone de tri du lycée, entérinant ainsi des hiérarchies sociales et scolaires inacceptables. Les enseignants ne sont pas responsables de cette situation. Ils ont, jusqu’à présent, répondu comme ils le pouvaient à une commande ambigüe de la Nation. C’est cette commande qu’il faut changer (...)". 

Pour sa part, Antoine Prost s'adresse aux intellectuels et à tous ceux qui "trouvent des arguments pour soutenir que le remède serait pire que le mal" alors que "le monde a changé et qu'il serait temps d'en tirer les conséquences". "Vous allez répondre que tout le mal vient des réformes. Mais de quelles réformes parlez-vous ? Car on les cherche (...) Toutes celles qui ont été proposées ont été rejetées, sous votre pression. Et Legrand en 1983, et Dubet en 2000 et même Fillon en 2005 (...) Vous êtes contre tous les projets de réforme. Mais pour quoi êtes-vous donc ? Osez présenter un projet de réforme. Faites (...) votre métier d'intellectuels : lisez les enquêtes, les rapports d'inspection (...) Osez bâtir une proposition étayée par une documentation solide."

Un projet et un référendum

Mais pour Jacques Julliard, "la rue de Grenelle est aux mains de 'pédagogistes' inamovibles". "Au lieu d'empiler les réformes, on ferait mieux de commencer par un bilan de celles qui ont échoué", et l'essayiste évoque Stanislas Dehaene qui "démontre que le seul apprentissage efficace de la lecture est la méthode syllabique" sans qu'on fasse pour autant "le bilan des aberrations qui font que près d'un quart des élèves de 6èe ne savent pas lire couramment". Il ajoute que "l'excellence n'est pas de droite". Il concède qu'il y a "dans cette réforme des aspects positifs", mais il ne voit pas "de schéma directeur", il n'y respire pas "l'odeur de la République" avant de se demander si un référendum ne permettrait pas de légitimer "un véritable projet éducatif entre la gauche et la droite".

Pascal Bruckner, qualifié par Najat Vallaud-Belkacem, de "pseudo-intellectuel" estime qu' "on ne peut exiger des penseurs qu'ils exercent leur esprit critique à l'égard de tout, sauf du gouvernement (...) Par nature, les rapports du pouvoir et de l'intelligentsia ne peuvent être que de friction"; le philosophe et l'écrivain "se liguent dans une belle unanimité (...) pour défendre la tradition, l'enseignement du grec et du latin, de la langue allemande, de chronologie en histoire, des Lumières (...)".

Nicolas Truong, qui introduit le débat, estime qu'il "recouvre un clivage bien plus idéologique que pédagogique" et qu'elle ravive la question du "rapport à l'identité".

"On n'y parle jamais d'effort"

Par ailleurs, ToutEduc a eu copie d'un courrier d'Alain Morvan, ancien recteur d’académie qui trouve "des propositions fort intéressantes" dans le projet de réforme, notamment "le souci du bien-être physique de l’élève (...)  avec la limitation, en sixième, d’une journée de classe qui ne dépasse pas six heures". Mais si la réforme passait "en l'état" des textes, "la qualité de notre enseignement scolaire risquerait d’être durablement obérée". Il évoque "les langues anciennes (qui) se voient réduites à si peu de choses qu’on se demande s’il n’aurait pas mieux valu les supprimer totalement du premier coup", un "entrelacs de 'résonances' hétérogènes (qui) risque, si les disciplines ne reprennent pas la place qui leur revient, de brouiller le message et de devenir simple cacophonie". Il lui est "douloureux de constater que l’affaiblissement (de l'allemand, de l'italien, du portugais) reçoive un encouragement officiel" tandis que sont supprimées les sections européennes qui "ont amplement démontré leur efficacité" et qui "tirent les élèves comme les établissements vers le haut". Il se désole surtout de ce qui ne figure pas dans les textes de la réforme : "jamais on n’y parle d’effort".

Enfin ToutEduc a reçu cette contribution au débat de Claude Baudoin. Ancien personnel de direction, collaborateur occasionnel de ToutEduc, il explique pourquoi il soutient la réforme.

"Fin des années 80, après un parcours de 15 années d’enseignement en lycée et collège (Paris, banlieues lilloise et parisienne, Viet Nam), j’entamais une carrière de chef d’établissements dans les trois départements de l’académie de Créteil, avant de diriger par la suite les CRDP des académies de Créteil, Lyon et Grenoble.

"Le premier de ces postes fut l’un des collèges de Villepinte (93), avec près de 1000 élèves, où je fus 'président de district' Villepinte-Aulnay-Sevran-Tremblay. C’est à partir de cet établissement, classé 'Rénovation', que je tiens à fonder mon soutien à l’actuelle Réforme des collèges. Pendant ces 4 années de direction, nous fûmes attentivement suivis, ainsi que 16 autres collèges, par une équipe de l’INED : chaque trimestre nous transmettions toutes les moyennes… de tous les élèves… dans toutes les disciplines, ainsi que les décisions d’orientation en fin d’année, et une étude fut publiée in fine.

Langues anciennes, monitorat, ateliers lecture

"Parmi les principaux éléments qui étayaient le projet d’établissement, un certain nombre de similitudes avec l’actuelle Réforme des collèges, qui n’auraient pu être développés et trouver leur cohérence sans des marges d’autonomie : un double enseignement de langues anciennes, avec du 'latin soutien français', et du 'latin-grec' pour ceux qui voulaient poursuivre ces enseignements au lycée ; des études dirigées où des professeurs encadraient 10 élèves maximum dans deux disciplines, complétées par du monitorat de grands élèves vers les plus jeunes et des études le samedi matin par une association partenaire ; des ateliers lectures pour toutes les classes de 6ème et de 5ème, en petits groupes ; des activités pratiques interdisciplinaires avec parfois deux professeurs en simultané dans un même cours ; les technologies numériques étaient encore balbutiantes, mais un dispositif de minitel (interne et externe) et une radio scolaire ouvraient la voie ; un fort développement d’activités culturelles artistiques et scientifiques, et sportives (classe à horaire aménagé football), des actions de prévention santé, etc…

"Il était impossible qu’un élève ne soit inséré au cours des 4 années de scolarité, à un moment ou à un autre, dans un dispositif rapproché où sa personne comme sujet apprenant, et plus particulièrement ses processus d’apprentissage (avec documents de liaison entre études dirigées et cours) ne soient pris en compte de manière personnalisée, intégré dans une vie citoyenne où le règlement intérieur élaboré dans la collégialité veillait sur le juste équilibre entre droits et devoirs et où étaient valorisées les actions associatives.

L'interdisciplinarité pour mieux identifier les disciplines

"Une expérience interdisciplinaire fut amorcée en salle des professeurs : chaque équipe disciplinaire devait inscrire sur un tableau 10 mots clés par niveau dans sa discipline : le résultat fut étonnant pour tous (mêmes mots avec des sens différents d’une discipline à l’autre, mot ignorés par la discipline voisine, etc…). Cela permit de fonder localement l’interdisciplinarité par une meilleure connaissance épistémologique. Je commençais à découvrir que nombre d’enseignants connaissaient mal l’histoire de leur discipline scolaire, et que l’on taisait les différences entre discipline scolaire et discipline universitaire. De même qu’un bon partenariat ne dilue pas les identités professionnelles, toute bonne interdisciplinarité permet de mieux identifier les périmètres et les apports spécifiques des disciplines scolaires…

"Au terme de 4 années, l’INED publia son étude. Retenons un résultat : 25% des élèves en grande difficulté à l’entrée en 6ème (ex : 2 ans de retard à l’entrée en 6ème, c’était possible alors) avaient complétement inversé leur trajectoire scolaire et étaient en position de réussite et de poursuite d’études. Quant aux 'bons élèves', dans un collège hétérogène, leur rôle étant valorisé dans un contexte d’entraide, leurs compétences se sont indéniablement trouvées renforcées et leurs résultats scolaires, suivis au lycée voisin, de bon niveau."

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