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Pédophilie : les risques d’une société de suspicion (une tribune de J. Simon)

Paru dans Scolaire le jeudi 07 mai 2015.

 Jacky Simon –Premier médiateur de l’Education nationale (1998-2006)-Inspecteur général honoraire, nous adresse cette tribune que nous publions bien volontiers. 

"Les parents d’élèves sont justement inquiets et émus par la révélation de cas de pédophilie et autres actes sexuels. Mais ce qui les révolte peut être encore plus est qu’on aurait caché dans certains cas ces faits. La presse ainsi que les autorités publiques qualifient de dysfonctionnement ces ratés dans la chaîne justice/éducation. Evidemment tout ceci est insupportable et doit être sanctionné sans état d’âme.

Tout un dispositif existe depuis notamment la prise en compte sérieuse de ce phénomène en 1997 par Ségolène Royal alors ministre déléguée a l’enseignement scolaire. La ministre était apparue à contre courant des tendances sociales en la matière tout imprégnées par le film d’André Cayatte de 1967, "les risques du métier"  qui met en scène un enseignant accusé à tort par une élève et jeté à l’opprobre général. Ce film a incontestablement ancré l’omerta dans ces cas où la parole de l’enfant était niée et relevait de l’affabulation voire du mensonge. La circulaire de 1997 demandait de signaler au procureur toute déclaration d’enfant qui apparaissait suspecte.

Il a fallu des cas retentissants pour que le balancier parte dans l’autre sens, sans doute d’une façon excessive conduisant à affirmer que la parole de l’enfant non seulement doit être prise en considération mais qu’elle est vérité. Une association comme "la parole de l’enfant", la Défenseure des enfants de l’époque, ont bataillé dur pour accréditer cette idée. Il en est résulté parfois une attitude schizophrénique conduisant à prendre pour vérité révélée toute accusation non étayée et allant parfois jusqu’au geste fatal pour certains mis en cause à tort.

Bien plus de nombreux accusés à tort  lavés de tout soupçon ont eu parfois beaucoup de mal à se réinsérer y compris dans d’autres écoles, poursuivis par la rumeur… Une association, JAMAC crée en 1998 s’est élevée contre un dispositif qui souvent bafouait la présomption d’innocence et aboutissait à confronter sans précaution des enfants à la justice. Elle ne s’est jamais prononcée sur le fond de la culpabilité ou non d’accusés qui s’estimaient injustement mis en cause. Elle se limitait à demander une amélioration de la procédure. Elle s’est dissoute en 2011, estimant que la situation s’était améliorée ( ?).

J’ai eu à connaître de ces cas délicats en ma qualité de médiateur de l’éducation nationale.

Il faut donc être ferme et précis et sanctionner sans état d’âme. Mais peut-on agir vite et se prémunir contre des risques d’accusation sans preuve voire de délation ? Il faut donc respecter les procédures. La suspension en cas de doute notamment existe, elle est une mesure de précaution et non une sanction même si une suspicion et stigmatisation en résultent. Il faut surtout refuser l’emballement notamment médiatique ce qui est différent d’une volonté de dissimulation, et cela pour le bien de tous et faire la chasse à une certaine mal-administration.

L’obligation envisagée de transmission obligatoire de la Justice à l’Education nationale n’est pas une mauvaise idée à condition qu’elle soit mise en œuvre effectivement Une loi n’a jamais, à elle seule , changé les comportements !

L’important n’est pas tant de sacrifier à nouveau à un rite législatif que de rappeler en permanence l’importance du processus, le faire vivre comme on a pu le constater avec l’obligation de signalement faite aux enseignants constatant des cas de violence. Toute baisse de la garde en ce domaine central transforme une exigence en habitude dévaluée s’ajoutant aux (trop) nombreuses injonctions qui restent lettre morte et qui émanent des pouvoirs publics.

On le voit , il faut en ces domaines très sensibles, de la vigilance permanente, de la détermination mais aussi de la mesure. Est-ce possible ?

 

 

 

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