"Le choc PISA, métaphore ou révolution ?" (Revue Administration et Education)
Paru dans Scolaire le mardi 05 mai 2015.
"Chacun voit PISA à sa porte…", commente le journaliste Luc Cédelle dans sa contribution à la revue trimestrielle de l’AFAE (association française des acteurs de l’éducation), intitulée "Le 'choc' PISA ?". Ce nouveau numéro d’Administration et Education, coordonné par Alain Michel, IGEN honoraire, et Xavier Pons, maître de conférences à l’Université de Créteil, réunit une série d’articles de spécialistes de l’éducation en Europe qui tentent d’analyser les raisons du succès grandissant de ce Programme international de suivi des acquis des élèves (PISA) dont les résultats sont publiés tous les trois ans par l’OCDE.
PISA est devenue une référence internationale, fait la Une des journaux, suscite de nombreuses polémiques, sert d’argument aux responsables politiques de droite comme de gauche, voire de fondement aux réformes des systèmes éducatifs dans de nombreux pays d’Europe. Pour autant, cette expression "choc PISA" est-elle une "métaphore" ou une "révolution", s’interrogent les deux coordonnateurs de la revue.
Un facteur de changement
"Avant tout, PISA a provoqué un tollé général en Allemagne que l’on a appelé le choc PISA", se souvient Dennis Niemann, professeur à l’Université de Brême. "Traumatisée par les résultats de l’enquête 2000, l’Allemagne s’est lancée dans un processus global de réformes de son enseignement secondaire." Et de citer : "l’élaboration et le suivi de standards en éducation, la réduction de la gouvernance centralisée et l’accroissement de l’autonomie des établissements scolaires, le développement de la recherche empirique dans le domaine de l’éducation et des politiques fondées sur des données empiriques."
Même si Ireneusz Bialecki, professeur émérite à l’Université de Varsovie et Jerzy Wisniewski, expert au ministère polonais de l’éducation nationale, considèrent "qu’il n’est pas aisé de déterminer précisément son impact (…) PISA a fourni un riche ensemble de données permettant des analyses plus fouillées pouvant être utilisées afin d’élaborer et de mettre en œuvre d’autres changements du système éducatif".
En Espagne, Alejandro Tiana, recteur de l’Université nationale d’enseignement à distance, à Madrid, constate que "chaque nouvel ensemble de données PISA provoque un bon nombre d’articles de presse, de débats dans les médias, de commentaires d’analystes et de prises de position (…) mais cet impact n’est pas neutre, il se caractérise par la négativité".
Si plusieurs lois se sont référées à PISA, le recteur souligne que certaines propositions "n’ont pratiquement rien à voir avec les conclusions de PISA, sur lesquelles elles prétendent s’appuyer". Il ajoute : "Nous courons le risque que la généralisation de PISA produise un impact difficilement réversible en faveur d’une gouvernance globale de l’éducation, rarement débattue et assumée seulement de manière implicite par les pays".
Un instrument largement utilisé
En France, revenant sur les différentes politiques éducatives se réclamant de PISA, Xavier Pons constate : "Au final, il existe bien au Parlement un discours de droite et un discours de gauche sur PISA (…) à droite, la réduction des moyens au profit d’une plus grande efficacité et d’une approche plus qualitative de la régulation de l’école ; à gauche, la refondation d’une école républicaine plus égalitaire et sanctuarisée sur le plan budgétaire".
Observant les réactions syndicales vis-à-vis de PISA, André D. Robert, professeur à Lyon-II et Jean-Yves Séguy, professeur à lSaint-Etienne, concluent : "Au regard des analyses de PISA par les syndicats enseignants, en réponse aux présentations proposées par le ministère, il ressort que cette enquête internationale apparaît moins comme un outil révélant des données nouvelles que comme un instrument de confirmation des conceptions préétablies par les divers protagonistes."
Le "choc" PISA ?, Revue Administration et Education, n°145, mars 2015, 18€