De la nécessité d'apporter une assistance précoce aux parents d'enfants handicapés mentaux
Paru dans Petite enfance le mercredi 04 novembre 2009.
Particulièrement à l’adolescence, les handicapés mentaux sont amenés à penser ce que signifie le fait d’être handicapé. Comment le sujet se construit-il en société lorsqu’il a été confronté, enfant, au traumatisme qu’il a produit chez ses parents ?
La psychologue Fleur Michel a réuni quinze adolescents handicapés mentaux et leur a demandé de raconter des histoires. Elle a observé que le type d’attachement qu'ils ont connu enfants avec leurs parents a une incidence sur le déroulement de leur adolescence. Ils apparaissent, dans les histoires racontées, comme ayant des comportements de contrôle ou de surprotection. La dimension de l'attachement la moins représentée est celle du soutien parental. Fleur Michel note que la peur, l’angoisse transparaissent très souvent dans les discours. "Je ne peux que te détruire encore et toujours, pourraient énoncer à leur mère les enfants handicapés", résume Fleur Michel. Comment dans ces conditions, l’enfant peut-il établir une relation avec ses parents ? L’enfant se conforme souvent à une image "d’enfant qu’il faut être" pour être supporté et supportable par l’entourage. Cette image leur apparaît "comme un surmoi rigide, cruel", note l’auteur. Les adolescents handicapés témoignent de leur faculté à se "faire oublier" par l'environnement familial: manger à la bonne heure, ne pas faire de bruit, s’occuper seul. L’enfant, réduit à une image, meurt à lui-même, mais existe ainsi pour l’entourage dont il ne peut se séparer. L’adolescent handicapé, désorganisé, dépendant d'une aide extérieure, ne peut au final "ni se détacher, ni s’approcher" des parents. "Pour eux, exister, en tant que tel, est source d’un effet ravageur chez les parents, puisque l'handicap les détruit", analyse l’auteur.
Fleur Michel note le risque accru, pour les enfants élevés dans des milieux défavorisés ayant peu accès à la culture et au savoir, de rencontrer une carence éducative, voire un rejet, une maltraitance. Elle souligne à quel point les parents d’enfants handicapés ont besoin d’une assistance la plus précoce possible, pour tendre vers la bien-traitance, puisque dès l'annonce du handicap surgit le risque d'une "déshumanisation de l'enfant".
Fleur Michel, Handicap mental : crime ou châtiment ? Editions PUF/ Le monde, 217 p., 2009.