Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Le musée de l'Histoire de l'Immigration prêt à jouer son rôle pour l'intégrer à l'Histoire de France (B. Stora, interview)

Paru dans Scolaire, Culture le dimanche 22 mars 2015.

Au musée de l'Histoire de l'Immigration, l'exposition "Fashion mix" rencontre un beau succès. La fréquentation est en hausse,  et Benjamin Stora, qui a été nommé à la présidence de cette institution l'été dernier, a réuni au début du mois son Comité pédagogique. ToutEduc l'a interrogé sur ses ambitions pour les élèves et les enseignants alors qu'il publie "Les clés retrouvées"*.

ToutEduc : Quelle est votre perception du Musée de l'Histoire de l'immigration depuis votre prise de responsabilité comme président du Conseil d'orientation (1 août 2014) ?

Benjamin Stora : Ce Musée de l’Histoire de l’immigration occupe dans la vie culturelle française une place plus importante que je ne le pensais. Après ma nomination j’ai été appelé et reçu par beaucoup d’institutions, par le président de la République, celui de l'Assemblée nationale, les responsables politiques et syndicaux du pays; les responsables CGT Culture ont voulu et veulent toujours organiser une sorte de visite officielle du musée... Cela témoigne de place très importante sur l’échiquier culturel et politique. Je découvre aussi l'hiatus entre cette importance et la faible visibilité qui était la sienne ces dernières années. C’est cet hiatus que j’ai essayé de combler depuis mon arrivée.

ToutEduc : Vous avez récemment déclaré : "Nous partons sur de bonnes bases" ? Pour quelles raisons ?

Benjamin Stora : Les "bonnes bases", c’est d’abord le 15 décembre 2014 l’inauguration par le président de la République de ce lieu qui n’avait jamais été inauguré auparavant – il faut quand même le rappeler ! – alors que l’ouverture s’était faite le 10 octobre 2007 (sous le nom de "Cité nationale de l’histoire de l’immigration" ndlr).

La deuxième « bonne base » c’est l’existence au sein de cette institution d’équipes de bonne volonté qui manifestent leur intention de faire connaître le plus largement possible cette institution. Je pense au Comité pédagogique, au département des ressources pédagogiques, au département édition, à la médiathèque et aux ressources numériques, aux pôles événementiels et du développement, de la communication, etc.… Les conditions sont réunies pour une inscription beaucoup plus forte de ce musée dans l’espace culturel français.

Le fait que je ne sois pas strictement un homme politique mais un intellectuel, un universitaire qui a beaucoup travaillé depuis près de 40 ans sur l’histoire de l’immigration – je rappelle pour mémoire que j’ai été commissaire scientifique d’une exposition qui a eu lieu dans cette Cité en 2012 sur les Algériens en France, et que j’ai dirigé avec Émile Temime un ouvrage collectif sur les migrations en France au XXe siècle**. Je crois que cette légitimité d’historien est importante pour que ce musée acquière une visibilité plus grande.

Enfin le soutien de l’Éducation nationale, disposée à aider cette institution pour faire en sorte que l’histoire de l’immigration ne soit pas séparée de l’histoire telle qu'elle est enseignée aujourd’hui dans les lycées et collèges, mais qu’elle soit intégrée dans un récit national républicain.

ToutEduc : Quels sont, pour le Musée et plus généralement l'Histoire de l'immigration, les principaux défis à relever depuis les événements de janvier 2015 ?

Benjamin Stora : Faire en sorte que les jeunes lycéens et collégiens connaissent davantage cette histoire, intégrée bien sûr dans un récit républicain national. Cette histoire est déjà enseignée, mais il faut lui donner bien plus de moyens, notamment pour les immigrations post-coloniales, parce que ce sont celles qui se manifestent le plus dans l’espace public aujourd’hui. Il faut donner davantage de moyens aux élèves, mais aussi aux enseignants. La Cité pourrait être ce lieu de formation des maîtres, de manière régulière, afin que les enseignants puissent avoir des notions d’histoire à la fois de l’immigration mais aussi concernant les pays situés de l’autre côté de la Méditerranée, du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne. Il faudrait que ce lieu soit un lieu où on puisse faire davantage circuler les connaissances.

ToutEduc : Quelles sont les lignes de force de l'action pédagogique et éducative du Musée et de son réseau, et les inflexions qui vous paraissent prioritaires ?

Benjamin Stora : Prioritairement le musée doit s’adresser non seulement aux élèves mais aussi aux enseignants, qui d’ailleurs viennent : il y a une augmentation du nombre de classes et d’élèves en direction de ce musée. Mais je me préoccupe aussi de deux autres directions. D’abord celle des familles, qui connaissent souvent très mal leur propre histoire ; il faudrait s’occuper des familles à travers les médiathèques, les municipalités, les conseils régionaux,.. Et au sens large "le public français" qui doit considérer que ce musée lui appartient. Ce n’est pas "un musée des immigrés", c’est un musée sur "l’histoire de l’immigration en France".

 * Son dernier ouvrage, Les clés retrouvées, Une enfance juive à Constantine, Stock, mars 2015

 ** Immigrances, Histoire des migrations, Hachette, 2006

Propos recueillis par C. Baudoin

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →