"Nous avons un problème éducatif dans notre pays" (P. Hetzel, député UMP)
Paru dans Scolaire le mercredi 18 février 2015.
"Nous avons un problème éducatif dans notre pays." Cette formule du député UMP Patrick Hetzel résume sans doute le sentiment de la plupart des parlementaires de la "commission des affaires culturelles et de l'éducation" qui réunissait, ce 18 février, une "table ronde" sur "le plan de mobilisation de l’école pour les valeurs de la République" avec trois syndicalistes de l'Education nationale, Lysiane Gervais du SNPDEN (syndicat UNSA des personnels de direction), Valérie Sipahimalani du SNES (syndicat FSU du second degré) et Norbert Trichard du SNUDI (syndicat FO du premier degré).
Comment faire face à ce problème qu'ont mis en lumière les assassinats de l'année ? Faut-il, pour favoriser la mixité sociale et scolaire mettre en place un système de "busing" (l'utilisation de bus pour amener plus ou moins autoritairement les enfants d'un quartier dans l'établissement d'un autre quartier, ndlr) ? C'est une proposition de Patrick Vignal, député de Lunel (Hérault) que reprend à son compte Lysiane Gervais, consciente d'un problème "évident" de mixité sociale dans les établissement. Faut-il, comme le propose le SNES, commencer l'enseignement de la philosophie en classe de 1ère, voire plus tôt, et l'étendre aux lycées professionnels ? Le député UMP Frédéric Reiss insiste pour l'inscription de l'effort et du mérite parmi les valeurs à défendre, alors qu'elles ne figurent pas dans le plan de la ministre. Marie-George Buffet n'est pas hostile à la présence de "réservistes" dans les établissements scolaires, mais elle s'interroge, comment valide-t-on leurs interventions ? "L'Ecole est-elle capable d'accueillir la réserve citoyenne ?", s'interroge plus crûment Valérie Corre. Quant aux élèves, ont-ils envie de s'engager ? Valérie Sipahimalani en doute, ils sont davantage intéressés par leur réussite au bac que par la vie lycéenne. Lysiane Gervais souligne d'ailleurs la faiblesse de leur participation au CVL.
Les interrogations et les difficultés
L'essentiel de cette table ronde a en effet porté sur les interrogations et les difficultés de la mise en oeuvre du plan, plus que sur le plan lui-même, même si Norbert Trichard met en cause plusieurs des mesures annoncées. L'ouverture des établissements aux associations serait contraire au principe de laïcité, qui ne peut être "assurée que par l'Etat", et non par les collectivités alors qu'elle sera intégrée aux PEDT (projets éducatifs de territoire). Pour lui, rétablir l'autorité des enseignants suppose de "leur permettre d'exercer en pleine souveraineté leur mission", ce qui passe par un renforcement des enseignements disciplinaires. Il craint que l'évaluation de la capacité des candidats à transmettre les valeurs de la République, si elle intervient après le concours, ne fragilise les jeunes enseignants, et il rappelle l'opposition de sa fédération (la FNEC) à la loi "de refondation".
S'agissant du respect dû aux enseignants, Valérie Sipahimalani met surtout l'accent sur la nécessité d'une "continuité dans l'action" politique : "nous attendons des priorités claires" de la part de l'institution et des autorités politiques. Les annonces se succèdent, et les enseignants ont "mal vécu" cette minute de silence, décidée le mercredi soir pour le jeudi matin ; leur hiérarchie s'est trouvée "en difficulté pour les protéger et les accompagner".
L'enseignement moral et civique
Autre sujet d'inquiétude des syndicats, la place de l'enseignement moral et civique. Lysiane Gervais indique que, dans son académie, la circulaire rectorale qui l'impute sur les horaires des professeurs d'histoire-géographie est arrivée. Enseignante de SVT, la représentante du SNES considère que l'enseignement de la morale, de la laïcité, se fait dans toutes les disciplines. En sciences, il est important d'apprendre aux élèves ce qui relève de l'opinion, du fait scientifique, de la croyance, du savoir, et de distinguer ce qui "se dit en classe", et ce qui est du domaine du privé, de la conviction. Mais, précise-t-elle, ce n'est pas explicitement inscrit dans les programmes. Et elle fait part à ce sujet des attentes du SNES à l'égard du Conseil supérieur des programmes et du CNESCO (le Conseil de l'évaluation).
La vidéo du débat sur le site de l'Assemblée, ici