Redoublement : Les recommandations de la conférence de consensus
Paru dans Scolaire le mercredi 04 février 2015.
La conférence de consensus sur le redoublement, organisée conjointement par le CNESCO et l'IFE publie ses recommandations pour "mettre en place des solutions alternatives efficaces". Elle ne propose pas "de supprimer le redoublement à la rentrée 2015" mais une disparition progressive, au fur et à mesure que sera attestée l'efficacité des solutions proposées. D'ailleurs, de "nombreux dispositifs" existent déjà, "sans doute trop nombreux, peu lisibles, voire méconnus et dont l’efficacité n’est pas toujours mesurée".
Ces recommandations contredisent-elles le décret du 18 novembre 2014 qui prévoit que, "à titre exceptionnel, un redoublement peut être mis en œuvre pour pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires", après un dialogue avec les parents à l'école élémentaire, avec l'accord écrit des représentants légaux de l'élève au collège ou au lycée ? Nathalie Mons, présidente du CNESCO, fait remarquer que le caractère "exceptionnel" d'une telle mesure est subjectif, tout comme "la durée importante" de la "rupture des apprentissages", laquelle peut signifier une maladie et une absence physique, mais aussi bien une période d'absence d'attention et de travail. D'ailleurs, "nous ne pensons pas qu'un décret résoudra le problème". Et des textes officiels, "il y en a tellement" ! Michel Lussault, le directeur de l'IFE, ajoute à titre tout à fait personnel, qu'il faudrait "réfléchir avant de faire des décrets". Mais chacun sait, en marge de la présentation des recommandations du jury à la presse, que les personnels de direction se voient parfois assigner dans leurs lettres de mission, des taux à ne pas dépasser, indépendamment des besoins ou des résultats des élèves.
Accompagner le changement par le bas
Quoi qu'il en soit, la conférence propose une démarche inverse en termes de construction des politiques publiques : accompagner le changement "par le bas". Ses deux promoteurs estiment que "les esprits sont mûrs pour changer" ; la consultation sur le socle commun a montré que "beaucoup d'enseignants sont demandeurs", à condition, ajoute André Tricot, le président du jury de la conférence, que les "recommandations soient raisonnables", et constituent d'autres réponses à la difficulté scolaire que le redoublement, qui n'est qu'un "moyen", et pas le meilleur. Il a, dit-il, été "impressionné par la modestie des experts" qui se gardent bien de prôner une solution miracle.
La conférence propose donc un ensemble de solutions, à expérimenter avant toute généralisation. Toutefois, ces expérimentations ne doivent pas se faire selon le modèle français, sans évaluations et en faisant appel uniquement à des volontaires, au risque de voir "l'effet pionnier" dénaturer les résultats. Il s'agit de procéder avec la société toute entière, attachée au redoublement, comme avec le jury qui, au vu des études, est parvenu à un "diagnostic partagé". Quant à la mise en oeuvre des solutions alternatives au redoublement, "rendez-vous dans 10 ans".
C'est dans la classe que doit être traitée la difficulté scolaire
La conférence se prononce clairement contre l'externalisation de la prise en charge de la difficulté scolaire : "c’est dans la classe qu’elle doit être traitée en priorité". Elle met l'accent sur la nécessité d'y "instaurer un climat de travail, de confiance, de bien-être et une autorité reconnue et consentie", de "développer la coopération entre élèves dans le travail en groupe, le tutorat entre élèves, etc. quand c’est nécessaire à l’apprentissage", de "constituer des groupes de besoin et non pas de niveau", d' "accueillir ce que les élèves savent déjà, au niveau social, personnel, ce qu’ils ont appris hors de l’école", ce qui suppose de "former et accompagner tous les personnels de l’Éducation nationale".
Cette formation comprend un aspect "orientation" puisque "le redoublement dit stratégique (en 3ème ou en seconde, pour obtenir une orientation plus favorable, ndlr) est le plus souvent une grande prise de risque" et que "seul un élève sur trois en moyenne, parmi ceux qui ont fait ce choix, en tire véritablement bénéfice". Elle porte aussi sur "l’estime et la connaissance de soi" pour que les élèves soient auteurs de leur orientation.
Financer la réduction de la taille des classes
La conférence estime par ailleurs que la très forte diminution du redoublement permettrait de "financer une réduction significative de la taille des classes dans les écoles qui accueillent les élèves en grande difficulté" ainsi que le "plus de maîtres que de classe", sous condition d'un bilan du dispositif. Elle financerait aussi "la scolarisation en toute petite section de maternelle en éducation prioritaire".
La conférence demande aussi que les cycles soient "véritablement" mis en oeuvre pour donner "plus de souplesse aux différents rythmes d’apprentissage des enfants". Cela permettrait "d’interdire sans exception possible les redoublements à l’exception de la dernière année de cycle". C'est de même "véritablement" que devraient être mis en oeuvre les PPRE, les projets personnels de réussite éducative, qui "présentent a priori une piste très intéressante".
Devraient aussi être expérimentée la possibilité pour l’élève de choisir, "redoubler ou suivre un cours d’été" avec la la clé un examen dont diverses modalités peuvent être testées : sujets nationaux ou non, épreuves portant sur toutes les disciplines ou sur quelques unes, au choix ou de manière impérative. Autre expérimentation, "un enseignant garde sa classe pendant les trois années du cycle". C'est surtout envisageable pour le cycle 2. Quant aux classes multi-âges à l'école primaire, elles "peuvent constituer une configuration propice à la réduction du redoublement". Au collège, pourrait être expérimenté "le redoublement modulaire, qui permet à un élève de redoubler certaines matières et de passer dans d’autres matières".
Le détail des recommandations est à lire sur le site du CNESCO, ici
Le décret relatif "au suivi et à l'accompagnement pédagogique des élèves" ici. Voir aussi ToutEduc ici