Laïcité : déjà en 2011, J-P Delahaye estimait que "la question religieuse est le masque de la question sociale"
Paru dans Scolaire le jeudi 15 janvier 2015.
"On ne peut méconnaître que, dans certains cas ou dans certains secteurs, la question religieuse est le masque de la question sociale: ce mélange est détonnant. Les questions que les personnels des établissements scolaires ont à résoudre sont complexes (...) Que dire et que faire face aux autres revendications identitaires?". Jean-Paul Delahaye posait déjà la question en 2011. Celui qui n'était pas encore DGESCO avant d'être chargé d'une mission "pour que la grande pauvreté ne fasse pas obstacle à la réussite scolaire", intervenait au cours d'un colloque du Comité Laïcité République, et il rappelait que dès 1883, Jules Ferry distinguait "l'instruction religieuse (qui) appartient aux familles et à l'Eglise" et "l'instruction morale à l'Ecole". On a oublié "la formidable opposition à l’enseignement d’une morale indépendante de la part de millions de Français catholiques soutenus, voire poussés, par le pape à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle".
Il rappelle aussi que la question du porc dans les cantines ne date pas d'hier. Une circulaire de 1957 demandait déjà de prévoir, "les jours où cette viande figure aux menus, un autre plat de viande à l’intention de leurs élèves musulmans", et que le "rapport Obin" de 2004 mettait "en évidence les difficultés rencontrées dans certains établissements scolaires". Mais "la polarisation politique et médiatique autour du 'voile' a parfois masqué le développement des autres formes scolaires de manifestations d’appartenance religieuse, et pas seulement de la part des élèves de confession musulmane". Il évoque notamment les groupes de pression "créationnistes" de diverses religions et les problèmes qui se sont posés aux professeurs de sciences expérimentales.
L'aide qu'il faut apporter aux enseignants
Il souligne aussi que "la recherche de la vérité et de la rigueur des connaissances enseignées peut parfois contredire la vérité des convictions individuelles des élèves ou de leur famille" et il commente : "l'Education nationale prend progressivement la mesure de l’effort à effectuer et de l’aide qu’il faut apporter en conséquence aux enseignants souvent démunis face à la contestation de leur enseignement. (...) Toute la difficulté consiste à faire vivre les libertés qui ont été accordées aux élèves, comme la liberté de réunion, d’association et d’expression, dans un cadre nécessairement contraint par la nature même de l’acte éducatif dans un établissement scolaire laïque. C’est pourquoi, dans les établissements scolaires, il y a forcément une limite à la négociation."
Et, dit-il, "la pauvreté économique, sociale, culturelle de bon nombre d’élèves rend très difficile aux enseignants leur mission de transmission de savoirs fondés sur la raison. Or, la raison est un instrument indispensable pour expliquer le monde."
La conférence du 7 mai 2011 ici