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Tribune "Face à la tentation islamiste, ce que peut l'Ecole" (J-M Zakhartchouk)

Paru dans Scolaire le mercredi 14 janvier 2015.

Jean-Michel Zakhartchouk nous fait parvenir cette tribune, que nous publions bien volontiers*.

Face à la tentation islamiste d’une petite partie de la jeunesse ou à la complaisance d’une autre partie, plus nombreuse, devant certains comportements (les "ils l’ont bien cherché !" entendus ici ou là ces jours-ci), on parle beaucoup du rôle de l’école, qu’elle devrait jouer, qu’elle ne joue pas assez, qu’il faudrait mettre en avant, etc.

Disons-le d’emblée : l’école ne peut pas faire des miracles. Elle ne peut pas davantage endosser les responsabilités des dérives criminelles d’individus que s’attribuer les mérites de réussites de bien d’autres. On a sans doute tendance à osciller entre les deux dans notre pays où on survalorise l’importance du scolaire. Cependant, comment ne pas être d’accord avec Victor Hugo qui constatait déjà "Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne/ Ne sont jamais allés à l’école une fois, / Et ne savent pas lire, et signent d’une croix." (Les Quatre vents de l’esprit) ? Bien sûr, la mission de permettre à chacun d’atteindre un niveau minimal de compétences fondamentales reste essentielle. Aujourd’hui encore, il y a des liens forts entre le bas degré d’instruction et la délinquance (mais aussi le vote d’extrême-droite).

Mais en même temps, cela ne suffit pas. On sait bien que la culture, la science, la maîtrise de la langue, tout cela ne protège pas du "mal". On a voulu peindre Staline en barbare inculte, or, on sait que c’est faux, qu’il avait une grande culture littéraire. Et les chefs nazis appréciaient hautement les chefs d’œuvre musicaux. Les partants pour la Syrie aujourd’hui ne sont pas forcément des anciens élèves en échec, ce serait trop simple. Ce qui rend parfaitement grotesque les propos de ceux qui voudraient réduire les missions de l’école au "lire-écrire-compter", s’opposer à un enseignement moral et civique, limiter le métier d’enseignant à celui d’instructeur en biffant son indispensable rôle éducatif. Il est vrai qu’on les entend moins ces jours-ci.

Prenons l’exemple de l‘enseignement du français que je connais bien. Je travaille avec d’autres à l’élaboration des nouveaux programmes de collège. On essaie de le renouveler en le détachant d’une approche formaliste, techniciste ou d’une conception étriquée dans laquelle règnent les règles à appliquer ou des fragments d’histoire littéraire à ingurgiter. Tout en gardant la nécessité de travailler vraiment l’expression écrite et orale (et d’abord en faisant parler et écrire !), il est indispensable de trouver de nouvelles approches de la littérature, vivantes et en prise avec notre siècle, à partir notamment de grandes questions sur l’Homme et le monde que les textes permettent d’évoquer sans apporter de réponses définitives. On doit aborder en classe à travers Voltaire, La Fontaine ou les mythes grecs, mais aussi la bonne littérature de jeunesse ou le cinéma, les questions du pouvoir, de la liberté ou des valeurs qui donnent du sens à la vie. Pas de manière abstraite et sous forme de catéchisme, mais à travers des débats organisés, des productions demandées aux élèves, des lectures liées entre elles et reliant les grandes œuvres à ce que connaissent les élèves (culture médiatique, BD, formes diverses numériques…)

Et tout cela n’est possible que si les enseignants maitrisent des techniques pédagogiques appropriées pour organiser un débat, faire travailler en groupes, utiliser de manière pertinente la recherche sur internet, former à l’exposé oral… Bref, que s’ils apprennent vraiment un métier difficile, complexe, mais passionnant.

Mobiliser les enseignants dans le contexte actuel, comme appelle à le faire très justement la ministre, c’est sans doute cela : mener en même temps un travail sur qu’apprendre et comment apprendre, sur comment lier instruction, culture et éducation. On est loin des diatribes anti-pédagogiques de certains qui entrainent l’école dans des impasses et dévoient le débat public. De nombreux enseignants vont bien dans le sens de cette mobilisation, leur action mérite d’être mieux connue et valorisée.

Jean-Michel Zakhartchouk, enseignant, rédacteur aux Cahiers pédagogiques, auteur de Transmettre vraiment une culture à tous les élèves (son blog ici)

* Jean-Michel Zakhartchouk est de plus membre du groupe chargé de l'élaboration d'un projet de programme pour le cycle 4 (5ème, 4ème, 3ème). Rappelons que les opinions exprimés dans les tribunes n'engagent pas la rédaction de ToutEduc.

 

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