Un autre regard sur la médicalisation de l’échec scolaire, par Stanislas Morel
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le lundi 17 novembre 2014.
Mots clés : échec scolaire, dyslexie, école primaire
Réinscrire le phénomène de la médicalisation de l’échec scolaire dans le cadre des transformations sociales de ces dernières décennies, en commençant par celles qui ont affecté l’école : tel est le défi relevé par Stanislas Morel, sociologue et maître de conférences à l’université de Saint-Etienne.
Son ouvrage, La médicalisation de l’échec scolaire, se veut "une alternative à l’abondante littérature médico-psychologique qui s’attache à promouvoir l’intervention des professionnels du soin dans le domaine de l’échec scolaire en cherchant à vulgariser les théories sur lesquelles elles se fondent et à administrer la preuve de leur efficacité".
Dans une perspective socio-historique, l’auteur met en relation le processus de médicalisation avec l’évolution des manières de penser les inégalités depuis les années 1960 : jusqu’au milieu des années 1980, les inégalités sociales face à l’école contribuent à faire percevoir l’échec scolaire comme un phénomène touchant principalement les enfants des classes populaires. "Une vive contestation politique et scientifique pèse alors sur les thèses organicistes et héréditaristes et la médicalisation demeure controversée, surtout sous ses formes biologisantes", rappelle l'auteur. À la fin des années 1980, le concept est progressivement redéfini et renvoie à des besoins éducatifs particuliers, conduisant à une augmentation des prises en charge médico-psychologiques.
À cette époque, certains groupes d’acteurs, comme les spécialistes de l’univers médico-psychologique, participent à la médicalisation de l’échec scolaire. "L’autonomie toute relative du monde médical et du monde scolaire invite à s’interroger sur l'articulation de différentes aides apportées aux élèves en échec scolaire et en particulier sur la collaboration entre les professionnels du soin et les enseignants."
La légitimité du monde pédagogique est progressivement transférée en dehors du monde scolaire. "Paradoxalement, c’est au moment où les enjeux associés à l’école n’ont jamais été aussi centraux que la position sociale des enseignants tend à s’affaiblir", conclut-il.
Pour en savoir plus : Stanislas Morel, La médicalisation de l’échec scolaire, Éditions La Dispute, octobre 2014, 210 p.
Louise Ferry