Langues vivantes: en finir avec le mythe des séjours linguistiques
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mardi 20 octobre 2009.
Pour Marion Perrefort (université de Franche-Comté), il faut renoncer à une vision angélique des échanges linguistiques, et aux mythes d'amitié et d’entente spontanées, de communication authentique, d’apprentissage de la langue par simple immersion. C'est la réflexion qu'elle propose dans la dernière lettre d'informationde l'Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), à propos du programme d‘échange "Voltaire", destiné à des élèves de seconde qui séjournent dans une famille d'accueil allemande pendant 6 mois, de mars à août et accueillent leurs correspondants pour les 6 mois suivants. Elle fonde sa recherche sur des entretiens avec des élèves "Voltaire" pendant et plusieurs années après leur séjour.
Parmi les bénéfices attendus des échanges, celui du perfectionnement linguistique relève de l'évidence. Cependant, tempère-t-elle, le passage de frontières et l’utilisation de la langue étrangère, incontournablement accompagnés de transgressions, peuvent être associés à un sentiment exaltant de permissivité. L’affranchissement des tabous langagiers contribue à décriminaliser l’erreur et à désacraliser l’image d'une langue homogène et normative forgée dans le cadre scolaire. Elle décrit des jeunes auxquels la maîtrise imparfaite d’une langue donne un alibi: celui d’une certaine impunité diplomatique, et d’un "libertinage linguistique". Mais cette libération linguistique ne lui semble pas totalement négative: "Loin des contraintes de la langue maternelle, les tendances naturelles au jeu, à l’exploration et à l’imagination créatives peuvent s’épanouir en jouant avec les sonorités, les sons et les mots. Il s’ensuit aussi une curiosité nouvelle pour la langue maternelle." Le jeu sur les mots, corrélaire d’un jeu sur l’identité personnelle, serait un rite d’initiation à l’âge adulte. L’échange linguistique permettrait une prise de distance avec la langue maternelle et une prise de distance avec l‘enfance.