Les conduites à risques chez les adolescents sont "des manières de résister".
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le mardi 20 octobre 2009.
David le Breton, sociologue (Strasbourg) estime que les conduites addictives chez les jeunes ont un caractère de "résistance" . La rencontre avec la sensation donnerait le sentiment d’exister. Il s'exprimait à l'occasion du colloque organisé par Fil Santé Jeunes, un dispositif de l’Ecole des Parents et des Educateurs de l’île de France sur le thème "Adolescences et dépendances: consommations ou rituels?", hier lundi 19 octobre.
"Adopter des conduites à risques est une manière paradoxale pour les adolescents de résister à la souffrance, souvent vécue au sein de la famille: maltraitance, manque d’amour, abus sexuels… Elles représentent une tentative de vivre plus qu’une tentative de mourir". David le Breton insiste sur une notion clé de son travail de recherche, "la blancheur". Boire de l’alcool en grande quantité et fumer du cannabis, seraient une manière adolescente d’effacer les contraintes de l’identité, de n’avoir plus ni nom, ni appartenance familiale, ni lien de voisinage. En un mot, les conduites à risque permettraient au jeune de ne plus avoir de comptes à rendre aux autres. "Nous sommes passés d’une époque où l’alcool participait d’une forme d’apprentissage de la virilité, le fait de 'tenir' l’alcool faisant foi de sa force, à des pratiques insolites, où il s’agit de tomber le plus vite possible dans le coma. Le coma est une manière de disparaître sans mourir." Pour le sociologue, les conduites à risque contemporaines répondent à une quête de vertige. La fulgurance des sens, de la sensation remplacerait un moment la recherche d’un sens, d’un ensemble de repères de vie.
Marie Choquet (épidémiologiste, Inserm) souligne que près d'un jeune sur deux entre 13 et 24 ans n'a jamais été ivre dans sa vie, et un sur six l'a été seulement une à deux fois. Au total, 60% ont donc une expérience nulle ou exceptionnelle de l'ivresse. Elle se fonde sur l'enquête IREB qui n'a pas non plus montré d'évolution majeure concernant la consommation d'alcool durant ces dernières années. Elle réaffirme néanmoins le rôle majeur que la famille joue vis à vis du risque de consommations abusives. Marie Choquet précise à ToutEduc que "les jeunes sont en demande de discussion sur ce sujet", comme en témoignait l'attitude très ouverte des jeunes sondés. Sans chercher à banaliser la consommation d'alcool, elle insiste sur le fait que "beaucoup d'entre eux souhaitent que les médias dédramatisent l'alcool. Pour la majorité, les soirées où l'on boit sont des moments de détente. Les jeunes souhaitent qu'on emploie aussi le mot 'plaisir'."
L'enquête est disponible sur le site de l'IREB (Institut de recherche scientifique sur les boissons)
La notice wikipedia de David Le Breton