Les enseignants issus de l'immigration davantage désireux de préparer leurs élèves au vivre-ensemble (thèse)
Paru dans Scolaire le lundi 03 novembre 2014.
"Les enseignants issus des immigrations ne constituent pas un groupe social" puisque leurs "postures et pratiques professionnelles ne sont pas homogènes" et qu'il "n’est pas question pour eux d’être assignés à tel ou tel public ou territoire". C'est la conclusion d'une thèse soutenue récemment au CNAM par Pascale Audebert, sur la "construction des identités professionnelles chez de jeunes professeurs des écoles issus des immigrations". L'auteure a interrogé sur leurs parcours dix d'entre eux, et a comparé leurs réponses à celles de dix autres jeunes enseignants du 1er degré d' "origine française".
La majorité des parents des enseignants issus des immigrations "sont analphabètes ou de niveau école primaire", ce sont des parents "assez protecteurs", dans des familles marquées par une "forte cohésion entre [leurs] membres , conjuguée à la stabilité du couple parental" et à "une ouverture aux autres de toutes origines, la communication et la curiosité". Les parents se sont également impliqués dans la scolarité de leurs enfants, "en créant un environnement favorable à la réussite", et en leur apportant "un soutien émotionnel indéfectible". Dès lors, leurs enfants "en réussissant leurs études et en devenant professeurq des écoles, ont pu à leur manière s'acquitter d'une dette symbolique". Même si les enseignants interrogés se déclarent "non croyants", ils ont été élevés dans climat religieux "assorti de valeurs altruistes" et ils conçoivent la religion "comme un héritage culturel".
Modèles et anti-modèles
Autre caractéristique du parcours de ces jeunes enseignants, ils "ont fréquenté des établissements où il y avait peu d’élèves descendants de parents immigrants" et ils "se sont saisi des codes culturels rentables pour les études". S'ils ne voulaient "surtout pas ressembler" à certains de leurs enseignants, d'autres au contraire leur ont apporté leur soutien et ont été des modèles, rôle qu'ont également pu jouer "des intervenants dans le cadre éducatif", "des entraîneurs et éducateurs sportifs, des étudiants faisant de l’aide aux devoirs, des bibliothécaires, des formateurs dans l’animation, des conteurs et une conjointe de proviseur".
Plus souvent que leurs pairs d'origine française, ils ont choisi l'enseignement par vocation et ils y ont vu une promotion sociale importante. Ils ont également eu plus souvent "des expériences professionnelles d’activités para-éducatives ou d’enseignement avant d’intégrer l’IUFM". "Leur motivation professionnelle principale est la dimension utilité sociale du métier d’enseignant": "leur fonction ne consiste pas seulement à transmettre aux élèves des savoirs et des connaissances, mais aussi à leur permettre d’intérioriser des savoir-être", ils "valorisent le fait d'apprendre à vivre ensemble et de préparer les élèves à devenir des citoyens responsables", ils "s’investissent particulièrement dans les relations avec les parents d’élèves". Leurs pairs d'origine française mettent plus volontiers l'accent "sur le savoir-faire pédagogique, la transmission de savoirs et de connaissances et le développement cognitif des élèves".
Une recherche d'indistinction
Mais, quel que soit leur style, leurs pratiques professionnelles "sont en cohérence avec leur recherche d’indistinction", d'autant que plusieurs d'entre eux ont perçu une remise en cause par des parents d’élèves ou des personnels de l’Education nationale de leur légitimité à être professeur des écoles.
La thèse de P. Audebert est téléchargeable à partir du site de l'OZP, ici