Archives » Recherches et publications

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Eliminer le concept de dyslexie ? La proposition de deux universitaires anglo-saxons analysée par Franck Ramus

Paru dans Petite enfance, Scolaire le lundi 27 octobre 2014.
Mots clés : dyslexie, lecture

Le concept de dyslexie n'a aucune validité scientifique et fait plus de tort que de bien : pourquoi ne pas l'éliminer ? Avec The dyslexia debate, Julian Elliott et Elena Grigorenko bousculent les idées reçues sur la dyslexie en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Franck Ramus (CNRS) revient sur les constats et propositions des deux universitaires anglo-saxons. La "crédibilité académique des deux auteurs (…)  les distingue nettement d’autres critiques de la dyslexie qui se caractérisent plus par l’idéologie et l’ignorance des données scientifiques", estime-t-il. Or dans leur ouvrage commun, les deux universitaires anglo-saxons reviennent sur la définition de la dyslexie qu'ils jugent imprécise. Selon eux, il n'existe pas de preuve que les individus dyslexiques diffèrent des autres faibles lecteurs sur le plan cognitif, ni qu’ils diffèrent sur le plan biologique, ni que des traitements différents soient appropriés pour les individus dyslexiques et pour les autres faibles lecteurs. On ferait donc mieux de se passer du concept et ne parler que de difficultés de lecture, quitte à "amalgamer ensemble tous les faibles lecteurs", résume Franck Ramus.

Mettre dans le même sac tous les lecteurs ayant des difficultés de lecture est l’ "argument... le plus susceptible de bousculer les convictions des orthophonistes français", ajoute-t-il. Selon J. Elliott et E. Grigorenko, les faibles lecteurs auraient tout simplement besoin d’enseignants compétents capables d’enseigner la lecture avec des méthodes efficaces. Passant en revue toute la littérature scientifique internationale existante sur les interventions destinées aux enfants en difficultés de lecture, ils relèvent les résultats intéressants qui gagneraient, selon F. Ramus, à "être plus connus en France". Il s'agit notamment d'études portant sur une intervention d'une durée donnée avec des mesures des capacités de lecture avant et après l’intervention et comparaison des progrès de différents groupes d’enfants recevant différents types d’intervention. "La principale caractéristique de ces interventions est qu’elles sont de nature pédagogique et mises en oeuvre par des enseignants formés à cet effet."

Le concept de dyslexie est-il nuisible ?

Loin du diagnostic culpabilisant et de la détestable médicalisation de problèmes sociaux et pédagogiques, F. Ramus nuance les constats des universitaires. Un diagnostic de dyslexie peut ainsi être bénéfique dans la mesure où il donne une explication claire et rationnelle à des difficultés qui demeureraient autrement incompréhensibles. Plutôt que d’éliminer totalement le concept de dyslexie, on pourrait tout aussi bien "renforcer la formation des enseignants en expliquant la nature des facteurs biologiques dans les troubles du développement, la plasticité cérébrale et en ciblant explicitement les fausses croyances sur le déterminisme des causes biologiques".

Les données disponibles sont de plus déjà suffisantes pour pouvoir affirmer l’utilité de distinguer différents types de difficultés de lecture. Plutôt que de mettre tous les enfants dans le même sac, il serait donc plus pertinent de mener plus de recherches sur les différentes causes de difficultés de lecture.

Quels enseignements la France peut-elle tirer de cet ouvrage ? 

La "leçon fondamentale que nous donne le monde anglo-saxon et que la France peine à assimiler", est qu'il est nécessaire de juger à l’aune de données factuelles. "L’efficacité des politiques publiques doit être évaluée avec rigueur par des méthodes expérimentales plutôt qu’au doigt mouillé", ajoute-t-il.

Nous devons de plus "privilégier le système d’intervention en plusieurs stades plutôt que la sélection par l’échec", autrement dit, aider les enfants dyslexiques avant qu’ils ne soient en situation d’échec généralisé, proposer pragmatiquement des interventions pédagogiques précoces à tous les faibles lecteurs et allouer les aides en fonction des besoins selon une approche "rationnelle".

Enfin, il apparaît fondamental de placer l’essentiel des responsabilités sur le système éducatif, ce qui impliquerait de former le personnel enseignant de manière adéquate et de réserver les diagnostics et les interventions spécialisées, y compris l'orthophonie, aux enfants présentant des difficultés de lecture approfondies malgré un enseignement de qualité.

Le blog de Franck Ramus ici.

L. Ferry

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →