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Réforme du lycée et du bac : l'occitan et le basque confrontés à des baisses d'effectifs

Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 23 mars 2020.

Les premières évaluations effectuées par les défenseurs et promoteurs des langues occitane et basque semblent confirmer les craintes qu'ils avaient émises sur l'impact qu'aurait la réforme du lycée et du bac sur l'enseignement de ces langues régionales. Selon la FELCO (Fédération des enseignants de langue et culture d'Oc), qui a mené un sondage "informel" sur tout l'espace d'Oc, de Clermont-Ferrand à Montpellier et de Bordeaux à Nice, l'enseignement de l'occitan dans les lycées connaît une chute 20 à 50 % d'effectifs selon les classes. Ainsi, sur les 8 académies concernées par cette évaluation, le nombre de lycées proposant des cours d'occitan - langue d'oc a chuté de 22,6 % (82 lycées contre 106 l'an passé) entre l'année 2018-2019 et l'année 2019-2020, et le nombre d'élèves de 19,25 % (1 984 élèves contre 2 457 élèves l'année précédente). Même constat de baisse du côté de l'enseignement du basque. Selon une mesure des effectifs effectuée par l'OPLB (Office public de la langue basque) sur les trois dernières années, les effectifs des lycées publics et privés, alors qu'ils étaient stables jusque là, connaissent cette année une forte baisse, de presque un tiers (- 100 élèves, soit -31,48 %). Une baisse qui affecte notamment la 2nde même si les effectifs baissent aussi en 1re. La réforme du bac aurait, selon les acteurs, un effet sur cette baisse, même si ce n'est pas le seul critère à prendre en compte. Du côté de la langue occitane, l'enseignement était en effet déjà impacté depuis 2004 par la baisse des postes ouverts aux concours (une quinzaine de postes par an à cette époque contre 4 ou 5 aujourd'hui selon la FELCO). Et du côté de la langue basque, une légère baisse s'observait depuis déjà 2 ans dans le cadre de l'enseignement optionnel.

Du côté de l'enseignement de l'occitan, la situation est "d'une manière générale très inquiétante", estime en effet Marie-Jeanne Verdy. Une baisse qui "va s'amplifier", craint la présidente de la FELCO, qui souligne par ailleurs que celle-ci touche toutes les langues régionales, et toutes les langues en général en dehors de l'anglais et de l'espagnol. "Parce que les effectifs les plus nombreux en occitan étaient en LV3, ce qui correspond à la LVC avec la réforme, mais qui n'est pratiquement plus valorisée au bac" (1 %), ce qui induit logiquement une baisse des effectifs, car évidemment "on calcule ce qui va rapporter au bac !". "Or, nous avons besoin de personnes formées, qualifiées", insiste Marie-Jeanne Verdy. "Parce qu'on n'arrive pas à pourvoir des postes au 1er degré, on est constamment sollicités pour faire des traductions, des cours à l'université et parce que l'occitan créé des emplois, dans le spectacle, les musées... !"

Langues régionales : l'enseignement de spécialité le moins choisi par les lycéens

Elle évoque aussi des problèmes d'emplois du temps pour caler les options alors que les élèves ne sont plus dans des groupes classes mais répartis selon les enseignements choisis. Les enseignements de spécialité ont un impact aussi selon elle dans la mesure où "les horaires sont très lourds". Dès lors, analyse-t-elle, "les élèves y regardent à deux fois avant de choisir un enseignement de spécialité". Et parce qu'il ne peut concerner "que très peu de gens", cet enseignement de spécialité "Langues régionales" n'est pas proposé partout.

Même observation faite par Olivier Mioque, chargé de mission à l'OPLB. "À partir du moment où cela empêche de prendre un autre enseignement, on sait que cela nous porte préjudice, car on ne fait pas le poids ensuite dans l'enseignement supérieur. Choisir la langue régionale enferme quelque part dans un parcours très restrictif." De fait, selon des données publiées par Studyrama en octobre dernier, pour 2019-2020, l'enseignement de spécialité qui a été le moins choisi par les lycéens de 1re en 2019, est celui des langues régionales. Celui-ci a en effet été choisi par seulement 87 élèves, et rassemble ainsi le plus faible pourcentage d'élèves devant l'enseignement de spécialité Arts du cirque (0,03 %), LLCA Grec, LLCE Italien en Allemand (0,1 %) alors qu'à l'inverse l'enseignement de spécialité Mathématiques concentre 67 % des élèves (plus de 195 000 inscrits), suivi par les enseignements de spécialité Physique-Chimie (46 %) et Sciences de la vie et de la Terre (43,4 %).

Stabilité jusqu'à la 3e mais chute à partir de la seconde pour l'enseignement du basque

Pour l'enseignement du basque, c'est la filière bilingue, davantage que l'option, qui suscite le plus d'interrogations, filière qui concernait jusque là "une majorité des élèves qui suivaient le basque. Celle-ci pouvait être suivie de la maternelle jusqu'à la Terminale, avec un enseignement à parité horaire français et langue basque dans le primaire, qui se poursuivait dans le secondaire par un enseignement spécifique renforcé de la langue basque (3 à 4 h hebdomadaires) et par un enseignement en basque d'une ou plusieurs disciplines non linguistiques (DNL) jusqu'à la possibilité de parité horaire de cours en français et en basque. Et, toujours avant la réforme, cette filière exigeait d'atteindre en Terminale le niveau B2, voire C1 du Cadre européen commun de référence pour les langues. Or, explique Olivier Mioque, "avec la réforme du bac et du lycée, la filière bilingue, telle qu'elle est organisée aujourd'hui, ne pouvait plus être poursuivie en l'état". Parce que les élèves ne peuvent pas prendre la langue régionale en LVA mais seulement en LVB (soit seulement 2 ou 2 h 30 hebdomadaires) ou en LVC (3 h), mais "en étant mélangés avec ceux qui démarrent à peine en seconde, et avec une option qui n'est pas valorisée pour le bac".

De fait, l'enseignement du basque connaît "une chute" des effectifs en seconde bilingue. Et parce qu'elle "ne s'explique pas par la baisse des cohortes en 3e", elle "pose donc la question du lien avec cette réforme", observe encore le chargé de mission. L'OPLB a ainsi observé une baisse du taux de continuité entre la 3e et la 2nde de 78,8 % à 60,5 % entre 2018-19 et 2019-20. Quant à l'enseignement optionnel, qui connaît de son côté "de plus fortes chutes" comme pour les autres langues régionales, il a certainement été rendu très peu attractif, parce qu'il ne "vaut quasiment plus rien" pour l'obtention du bac, même si, nuance le chargé de mission, il est "difficile de dire quel impact a la réforme" car cette chute s'était amorcée avant la réforme.

Marie-Jeanne Verdy souligne de son côté d'autres effets induits par la réforme, comme la perte de candidats libres, "puisque le bac introduit du contrôle continu qui ne peut être validé que dans l'établissement. Or, si l'enseignement n'est pas proposé dans le lycée, il rend impossible le choix de l'option", remarque-t-elle. Les enseignants sont, en outre, "de plus en plus éclatés sur de nombreux établissements", poursuit la présidente de la fédération, et comme ils sont "peu connus, c'est plus compliqué de vendre sa discipline" alors que "ce qui peut faire la différence, c'est la visibilité du collègue dans l'établissement"..

Une proposition alternative calquée sur le modèle des sections européennes et internationales

Pour la filière bilingue français-basque, l'OPLB a de son côté fait "une proposition alternative", construite avec les associations d'enseignants et de parents, en s'appuyant sur le schéma proposé pour les sections européennes et internationales et qui pourrait, estime Olivier Mioque, être appliqué également pour la filière bilingue français-basque. "Si le ministère est capable de faire une proposition pour ces filières, il peut le faire pour cet enseignement bilingue car celui-ci existe officiellement, encadré par une circulaire du 12 avril 2017 (ici)".

Cette proposition prévoit, entre autres, l'introduction de l'enseignement de la langue régionale à raison de 3 h minimum (donc ni en LVB ni en LVC) et d'une ou plusieurs disciplines non linguistiques (DNL) enseignées en langue régionale jusqu'à atteinte de la parité horaire, alors qu'aujourd'hui le modèle prévoit juste "au moins 1 h hebdomadaire de l’enseignement commun" dans cette langue étrangère. Ce schéma proposé par l'OPLB prévoit aussi, comme c'est le cas des sections internationales et européennes, une valorisation de l'enseignement bilingue par une inscription sur le diplôme du baccalauréat, de la mention "section bilingue français / langue régionale basque".

"Continuer d'interpeller les députés"

À ce jour, si le ministère a affirmé étudier la proposition, l'OPLB n'a pas obtenu de réponse. Le GIP a prévu de le relancer après les élections municipales.

Les militants de l'occitan avaient prévu de leur côté de s'associer à des manifestations le 4 avril prochain à Aix-en-Provence et à Montpellier devant chaque rectorat, à l'appel du collectif "Pour que vivent nos langues". Manifestations qui seront donc certainement reportées. Les défenseurs de ces langues ont de toute façon prévu de "continuer d'interpeller les députés", indique la présidente de la FELCO qui regrette aussi qu'à ce "cadre structurel" (contraintes techniques d'organisation de l'enseignement et contraintes économiques) se greffe encore une vision idéologique de la société et des politiques qui dessert les langues régionales. "On ne pénètre pas car en France on a une vision essentialiste de sa langue. Même si les élus affirment de plus en plus être intéressés par les langues régionales, subsiste une vision du français comme langue exclusive. C'est un problème très français, car c'est l'un des pays où l'on valorise le moins la diversité langagière et culturelle." Et de manière générale, observe-t-elle à titre personnel, "on nous renvoie au mieux au folklore et au passé, au pire à une condition de bouseux".

Camille Pons

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