Le niveau de vie des enfants, après la séparation de leurs parents, baisse lourdement (France Stratégie)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le vendredi 02 février 2024.
En cherchant à se placer du point de vue des enfants, 380 000 concernés chaque année par la séparation de leurs parents, 4 millions au total, France Stratégie explore de manière singulière les conséquences économiques de ce bouleversement sur leurs conditions et trajectoires de vie.
La baisse de niveau de vie est en effet à la fois “conséquente“ et “durable“ pour ces jeunes, en moyenne 19 % moindre de celui précédant la séparation. Et si l'effet diminue dans le temps, le niveau de vie reste inférieur de 12 % en moyenne à celui connu 5 ans auparavant. Cette baisse est bien plus marquée quand l'enfant réside chez sa mère, de l'ordre de 25 % l'année de la séparation, que s'il habite chez son père, avec “seulement“ 11 % de baisse de niveau de vie. En revanche, cet effet s'atténue sur les années suivantes.
Si les enfants sont en résidence alternée, un schéma qui concerne généralement des familles plus aisées, la diminution du niveau de vie est de l'ordre de 12 % la première année suivant la séparation des parents, et de 6 % cinq années après. Si une remise en couple du parent ayant la garde principale “atténue“ très fortement la baisse de niveau de vie, celle-ci ne concerne que 30 % des enfants six ans après la séparation.
En comparant le niveau de vie des enfants dont les parents se sont séparés à celui des enfants de même âge qui vivent avec leurs deux parents, Marine de Montaignac (France Stratégie), Carole Bonnet, et Anne Solaz (Ined) constatent que la différence “est encore plus marquée“, avec 27 % de moins l’année de la séparation et toujours 22 % au bout de cinq ans. Pourquoi ? Simplement “car les enfants des familles dont les parents sont restés ensemble ont un niveau de vie initial en moyenne plus élevé“, de l’ordre de 10 %, et ce niveau de vie supérieur “tend également à augmenter légèrement avec le temps“, précisent-elles. Cette baisse est par ailleurs plus marquée pour les enfants appartenant aux ménages plus aisés, ayant des revenus supérieurs.
Pour les auteures, “le risque d’entrer en pauvreté monétaire est important au moment de la séparation“, c'est pourquoi elles choisissent d'analyser la baisse du niveau de vie via le prisme du taux de pauvreté. Elles constatent d'une part que la pauvreté monétaire avant la séparation “était plus fréquente“ dans les ménages séparés que dans ceux restés ensemble (13,5 % contre 10 %), et d’autre part que le taux de pauvreté “fait plus que doubler“ l’année de la séparation, à 29 %, et reste à 21 % cinq ans plus tard. L'étude révèle que ce risque semble “accru“ pour les enfants des ménages de niveau de vie intermédiaire, ainsi que pour les enfants de famille nombreuse, d’autant plus que la famille est grande.
Toutefois, l'étude montre que certains facteurs agissent en compensation : alors que mécaniquement, la séparation devrait entraîner une importante baisse du niveau de vie du parent gardien, avec la “perte du revenu du conjoint“ et de “moindres économies d’échelle“, celle-ci est finalement plus faible. La raison est que cette diminution se trouve notamment amortie par des transferts sociaux et fiscaux “qui jouent un rôle d’amortisseur très important, notamment pour les ménages les plus modestes“ : “déjà importante avant la séparation“, la part des transferts publics dans les ressources des familles en bas de l’échelle des revenus, qui représente 40 % de leurs ressources, “augmente considérablement après la séparation : ils constituent 61 % des ressources du ménage dans lequel vit l’enfant l’année qui suit“. Il y a encore les pensions alimentaires versées (représentant environ 10 % en moyenne des ressources des ménages des enfants résidant chez leur mère après la séparation) “en particulier pour les plus aisés“, ou encore les reprises d’activité (baisse marquée de l’inactivité des mères gardiennes après la séparation, d’autant plus forte qu’elles sont issues d’un ménage aisé) et les remises en couple. Ainsi, le niveau de vie observé ne diminue que de 26 %, “soit une baisse deux fois moindre que celle liée à l’impact mécanique de la séparation“, calcule France Stratégie.
Enfin, l'étude indique que les séparations entraînent également un déménagement pour 38 % des enfants l’année de la rupture, et pour 66 % d'entre eux dans les trois ans qui suivent la séparation (versus 9,5 % chaque année pour un enfant en population générale). La plupart des enfants dont les parents se sont séparés déménagent au sein de la même commune ou du même département. Après la séparation, 38 % des enfants vivent dans un logement dont l’un des parents est propriétaire, tandis qu'ils étaient 59 % dans ce cas avant la séparation, et ils habitent davantage dans un logement social, notamment pour ceux qui vivent avec leur mère (à 34 %, contre 15 % quand les parents vivaient ensemble).
L'étude ici