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Le jeu dans la rééducation à l'école : "Il vaut mieux que les enfants l'inventent" (JB Bonange, congrès de la FNAREN)

Paru dans Scolaire le dimanche 30 juin 2019.

"Dans le travail de rééducation, il vaut mieux que les enfants inventent le jeu, qu'ils soient auteurs de leur métaphore. Ils créent ainsi quelque chose qui leur appartient, dont ils ont besoin et qui leur permet de se confronter." Jean-Bernard Bonange intervenait, ce jeudi 27 juin 2019, à l'occasion du 34e congrès de la Fédération nationale des associations des rééducateurs de l'Éducation nationale (FNAREN), qui s'est déroulé à Limoges du 26 au 29 juin 2019 autour du thème "Jouer, rejouer, déjouer…enjouer : le jeu au cœur de l'aide rééducative / relationnelle à l'école". Ce formateur en médiations corporelles, explorateur du jeu de l'enfant, sur le jeu de fiction, cofondateur et codirecteur du Bataclown et Clownanalyste dans la compagnie professionnelle "Les Clownanalystes du Bataclown", s'est exprimé sur les enjeux du jeu libre accompagné qui constitue le cœur de la pratique rééducative menée à l'école. Il a livré quelques pistes sur la façon dont doivent être menées ces médiations corporelles axées sur le jeu, dont le principal objectif est de permettre à l'enfant en difficulté scolaire de se libérer de ses angoisses, de retrouver l'estime de soi, afin de réinvestir ensuite la classe et les apprentissages.

C'était d'ailleurs le grand objectif de ce congrès, où près de 500 participants (parmi lesquels 447 enseignants spécialisés, rééducateurs et enseignants spécialisés de l'aide pédagogique) étaient invités à "réfléchir le jeu dans l'école, le jeu et l'école, le jeu et l'aide rééducative / relationnelle", à la façon dont la pratique peut être "complémentaire, différente de celle pratiquée en classe", d' "utiliser au mieux les jeux pour [les] nouvelles missions d'enseignants spécialisés des aides relationnelles, dans l'intérêt des élèves, des familles et [des] collègues", alors que des recherches ont mis en valeur l'implication du jeu dans le développement de l'enfant.

L'enfant écrit le jeu, le rééducateur doit apprendre à lire sa "métaphore"

Dans ce jeu accompagné, se distinguent deux postures, explique le formateur. Alors que le jeu met l'enfant dans une activité d'écriture, au sens d'invention, la façon dont il va écrire le jeu s'assimilant à une "sorte de métaphore", de son côté l'adulte est mis "en activité de lecture". Il est, dès lors, "destinataire d'un message de l'enfant". L'objectif pour ce dernier est donc d'apprendre "comment lire le langage corporel, la symbolique pendant le jeu". Cette ouverture "aux enjeux symboliques" est indispensable, poursuit le formateur, car "le jeu est une ouverture sur l'être". Car, explique-t-il, quand on joue, "on ne fait pas pour du faux", "on fait comme ci" et ainsi "le jeu amène plein de réalités". À ce titre, estime-t-il, "le plus fécond, c'est quand l'enfant exerce son pouvoir de décision dans le jeu spontané".

La vidéo, qui permet de faire des arrêts sur images mais qui reste, selon lui, insuffisamment utilisée par les professionnels, facilite la décomposition du processus pour "revenir sur ce qui s'est passé". Objectif étant d'observer, au fur et à mesure du jeu, comment "le rapport aux autres change", comment des relations de pouvoir peuvent devenir des relations de fragilité, d'aide, de complicité, d'alliance... L'usage du jeu dans la rééducation est d'autant plus intéressant qu'il permet à l'enfant d' "affirmer sa puissance alors que son pouvoir de décision est faible dans la réalité". Le jeu permet aussi, dans cette même lignée, "le passage par l'acte signifiant" - par exemple, se bagarrer en toute simplicité, sans se faire mal -, qui s'oppose au "passage à l'acte" dans la réalité.

Empathie et posture de retrait pour que le sujet prenne sa place 

Parce que ce jeu est "un rendez-vous délicat dans le cadre de ces professions", son organisation et son encadrement doivent répondre à plusieurs critères. Il impose un cadre (les attentes et le projet), un dispositif (l'espace choisi, la durée, les règles et conventions), un garant, (le rééducateur, destinataire du jeu), et des joueurs (les enfants). Deux limites "à ne pas prendre à la légère" doivent par ailleurs être identifiées : "qui n'entre pas dans le jeu, ne joue pas" et "qui se prend au jeu, ne joue plus" (la tentation forte de rester dans le jeu, lorsque l'enfant le prend alors pour une réalité). La première posture peut s'expliquer par le fait qu'avant l'enfant s'apprête à opérer "un changement de statut radical". Pour éviter ce premier écueil, il convient, selon le formateur, de "ritualiser cette entrée dans le jeu". De même, pour éviter la dernière posture, il invite les professionnels à faire en sorte que les enfants se détachent de tous les supports qui leur ont permis de jouer et d'arriver dans un autre monde, comme poser une marionnette.

Enfin, autre condition de réussite de la médiation, pour accompagner le rééducateur "a besoin de se connecter au jeu", de développer une "empathie émotionnelle et motrice", d'adopter "une posture de retrait pour que le sujet prenne sa place", et d'accepter le rythme de l'autre, donc ne pas être pressé.

Camille Pons

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